Loi immigration : la Défenseure des droits, Claire Hédon, critique durement le texte de Gérald Darmanin

Claire Hédon dénonce la « rupture dans la protection des droits et libertés » qu’implique, selon elle, le projet de loi porté par le ministre de l’Intérieur.

POLITIQUE - Un texte « d’une gravité majeure ». La Défenseure des droits Claire Hédon signe ce samedi 9 décembre dans les colonnes du Monde une tribune très critique à l’égard de la loi immigration. Un texte qui arrive lundi prochain dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale après moult tractations et un durcissement très net par la droite au Sénat.

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« Dès sa présentation, j’ai alerté sur les nombreuses atteintes aux droits et libertés comprises dans le projet de loi », écrit ainsi Claire Hédon. Pour elle, « la surenchère démagogique lors des débats parlementaires les a aggravées au mépris des obligations constitutionnelles et internationales de l’État ».

Si elle rappelle la nécessité d’un équilibre entre le droit souverain des États à réguler l’accès à leur territoire et la nécessaire protection des droits fondamentaux, elle conclut tout de même que le « projet de loi bouleverse profondément cet équilibre », au détriment notamment des « principes de dignité et d’égalité ». Le tout avec trois points d’alerte bien précis.

Fragilisation du droit de séjour

La Défenseure des droits évoque en premier lieu un risque de « grave fragilisation du droit au séjour » à travers notamment la suppression de « nombre de garanties » prévues pour protéger les droits des étrangers.

Pour Claire Hédon, le texte de Gérald Darmanin remettra l’éloignement des étrangers « très largement à l’appréciation de l’administration », à cause de l’accroissement des possibilités de refus ou retrait du droit au séjour, y compris concernant les individus qui n’ont pas fait l’objet de condamnation pénale. Et cela d’autant que des « délais de recours extrêmement brefs » compliqueraient en plus l’accès au juge, selon son analyse.

Référence à l’AME

L’ancienne journaliste regrette ensuite que le texte de Gérald Darmanin « accrédite l’idée, pourtant démentie par de nombreuses études, selon laquelle des conditions d’accueil ’trop favorables’ encourageraient l’immigration irrégulière ou l’installation durable d’étrangers sur le territoire. »

Un discours « omniprésent dans le débat parlementaire », selon elle, et qui a poussé les parlementaires « à envisager des restrictions de nombreux droits, notamment pour les personnes particulièrement vulnérables ». Difficile, ici de ne pas voir une allusion faite entre autres à la suppression de l’AME (l’Aide médicale d’État), votée au Sénat mais finalement annulée en Commission à l’Assemblée nationale.

Inversion du rapport entre titre de séjour et intégration

Enfin, Claire Hédon s’inquiète d’une inversion du rapport entre l’obtention d’un titre de séjour et l’intégration. Le premier était à l’origine conçu comme garantie de la seconde, rappelle en substance la Défenseure. Or, pointe-t-elle, le projet de loi renforce une situation où un titre de séjour de longue durée est délivré en récompense d’une intégration jugée réussie.

De manière plus générale, la Défenseure des droits pointe une « extrême dégradation des droits des étrangers vivant en France. » Un phénomène auquel « la défaillance des services préfectoraux contribue largement », notamment à cause du « manque d’interlocuteurs humains » et des délais d’attente. De quoi mettre encore un peu plus sous pression le gouvernement, déjà pressé de toutes parts par les oppositions.

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