Sur la loi immigration, que comprendre des allers-retours du gouvernement ?

Que comprendre des allers-retours du gouvernement sur la loi immigration ?
Que comprendre des allers-retours du gouvernement sur la loi immigration ?

POLITIQUE - Alors que revoici la loi immigration. Élisabeth Borne a demandé à son ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, mardi 9 mai, de relancer des « concertations » pour présenter un projet de loi sur l’immigration en juillet prochain. Aux dernières nouvelles, la cheffe du gouvernement avait pourtant renvoyé le sujet à l’automne, faute de majorité et par souci d’apaisement.

Pour autant, ne parlez pas de revirement à Olivier Véran, mais de « précision sur la méthode et le “timing” ». « Il a toujours été dit que le projet de loi serait examiné par le Parlement à l’automne. Pour (cela), il faut qu’il ait été présenté en Conseil des ministres avant », arguait le porte-parole du gouvernement ce mercredi 10 mai au sortir du Conseil des ministres.

Il n’empêche, ce nouvel épisode s’ajoute à plusieurs allers-retours et déclarations contradictoires en moins d’un an sur ce sujet épineux. En creux, des dissensions transparaissent au sein même du camp présidentiel, malgré un coup d’accélérateur censé lui permettre de garder la main.

Dix mois de valses-hésitations

En réalité, le gouvernement affiche ses hésitations depuis le premier jour de cette réforme présentée comme l’une des plus importantes du quinquennat. Gérald Darmanin ne dira pas le contraire. Le ministre de l’Intérieur, qui lance les hostilités en août dernier, promettant un texte à l’automne 2022, est contraint de rétropédaler quelques jours plus tard à la demande de la Première ministre.

Il doit alors se contenter d’un « grand débat », lequel se résume finalement à des concertations à Beauvau et à une discussion d’une après-midi en décembre à l’Assemblée puis au Sénat, sans vote. Le projet présenté, c’est Emmanuel Macron qui contrecarre les plans de son ministre trois mois plus tard en faisant de son texte emblématique l’une des premières et principales victimes des discussions difficiles sur la réforme des retraites.

Il annonce d’abord son report le 22 mars, aux 13 heures de TF1 et France 2, évoquant un projet découpé en plusieurs textes, avant de revenir sur ces propos quatre semaines plus tard et de plaider pour une seule grande loi, « efficace et juste », dans les colonnes du Parisien. Mi-avril, le chef de l’État enfonce le clou devant ses troupes réunies à l’Élysée et fait de ce texte une des priorités des « cent jours » pour relancer son quinquennat.

« Si on ne fait pas immigration et travail » avant le 14 juillet, « ça veut dire qu’on ne le fera pas » du tout, lance-t-il alors selon plusieurs participants. Dans la foulée, le 18 avril sur LCI, Gérald Darmanin plaide lui aussi pour un texte fort et si possible son projet initial. Patatras, Élisabeth Borne acte l’impasse politique dans les jours qui suivent en expliquant ne pas avoir de majorité pour faire passer ce texte susceptible de « diviser le pays. »

La revoyure devait donc être à l’automne. Mais cela, c’était avant. Le ministre de l’Intérieur est désormais chargé, depuis mardi soir, de « trouver du consensus dans les prochaines semaines pour réformer le système d’immigration et améliorer l’intégration dans notre pays », selon les mots d’Olivier Véran.

Une riposte aux Républicains

Un changement de tempo et une victoire politique pour Gérald Darmanin ? Ou un revers pour Élisabeth Borne ? « Je regrette qu’une Première ministre humaniste n’arrive pas à faire valoir ses arbitrages, soupire une députée de l’aile gauche dans les colonnes du Parisien. Elle ne voulait pas que l’immigration figure dans sa feuille de route des cent jours, elle a dû faire des concessions. »

De fait, le locataire de la Place Beauvau, sur tous les fronts depuis plusieurs semaines, n’a de son côté jamais cessé de plaider pour un texte unique et « ambitieux », louant sa capacité à convaincre les députés LR à le voter. Un temps évoqué, le saucissonnage de son projet aurait pu entamer son capital politique tout en braquant la droite, hostile à la méthode.

Dans ce contexte, le coup d’accélérateur soudain de l’exécutif semble surtout répondre aux récentes initiatives des Républicains, son meilleur allié au Parlement. Le gouvernement veut « donner le sentiment qu’ils dictent l’agenda. Les LR essayent de faire de même », résume un stratège LR au Sénat dans Les Échos.

« On laisse Les Républicains déposer leur texte très à droite, puis on le désosse (...) »
Un membre de la majorité à l’Assemblée

Lassés par les hésitations du gouvernement, et gourmands d’apparaître à l’initiative sur un sujet crucial pour leur électorat, Éric Ciotti et ses troupes ont effectivement confirmé mardi leur volonté de proposer deux textes sur l’immigration. Un pour la réduire drastiquement, l’autre pour faire primer le droit national sur les traités. Deux propositions très offensives par rapport à la vision « d’équilibre » affichée par l’exécutif depuis l’été entre réforme du droit d’asile pour faciliter les expulsions des étrangers « délinquants », et régularisation des travailleurs sans-papiers dans les « métiers en tension ».

Une situation qui n’est pas forcément pour déplaire aux stratèges macronistes au Palais Bourbon. « On laisse Les Républicains déposer leur texte très à droite, puis on le désosse », avance au HuffPost un membre de la majorité, en ajoutant : « résultat, soit ils votent contre leur texte, soit ils votent le nôtre. Parallèlement, on dépose un texte de régularisation ». En espérant que celui-ci soit voté par la gauche.

Reste désormais à savoir… ce que proposera l’exécutif. Interrogé sur les contours du futur projet, Olivier Véran a expliqué ce mercredi qu’il « serait bien en peine de (...) dire si ce sera le même » que celui présenté le 1er février par Gérald Darmanin et Olivier Dussopt en Conseil des ministres. Qu’importe le flacon, pourvu qu’il y ait l’étiquette ?

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