Loi bioéthique : comment mettre en place un accès aux origines rétroactif pour les personnes nées d'un don de gamètes ?

La loi bioéthique, actuellement débattue à l'Assemblée nationale, prévoit l'accès aux origines rétroactif pour les personnes nées de don de gamètes.
La loi bioéthique, actuellement débattue à l'Assemblée nationale, prévoit l'accès aux origines rétroactif pour les personnes nées de don de gamètes.

La loi bioéthique, actuellement examinée au Parlement, prévoit un accès rétroactif aux origines pour les enfants nés de dons de gamètes, avec le consentement du donneur. Comment cette mesure pourra-t-elle être mise en place ?

La loi bioéthique est actuellement en deuxième lecture à l’Assemblée nationale et un point divise particulièrement la majorité : l’accès rétroactif aux origines, à la suite d’un don de sperme ou d’ovocytes.

Cette possibilité n’était pas dans le texte initial, mais elle a été rajoutée lors de son passage au Sénat. Pour son retour dans l’Hémicycle, la majorité avait déposé un amendement pour faire retirer cette disposition, mais il a été rejeté par les députés lors d’un vote très serré le 30 juillet, précise Le Monde.

Le texte ne prévoit pas la levée rétroactive et systématique de l’anonymat des donneurs, mais il donne la possibilité aux personnes nées d’un don de gamètes même avant la nouvelle loi de demander des informations non identifiables sur le donneur ou son identité. Libre ensuite au donneur d’accepter ou de refuser.

Une mise en place difficile ?

Une disposition qui, si elle est maintenue jusqu’à la fin, risque bien de poser des problèmes techniques, selon la professeure Nathalie Rives, cheffe du service biologie de la reproduction CECOS (Centre d'Etudes et de Conservation des Oeufs et du Sperme) au CHU de Rouen. Comme elle nous le rappelle, les dons de gamètes ont commencé en France en 1973. Retrouver les contacts de donneurs passés par les centres il y a près de 50 ans afin de leur demander des autorisations risque de ne pas toujours être une promenade de santé. Sans compter que certains pourraient être décédés.

Pour celle qui est également présidente de la fédération des CECOS, cette partie de la loi soulève de nombreuses questions dans sa mise en place future. “Qui va devoir gérer ? Est-ce que ça va nous obliger à recontacter tous les donneurs ? Quels seront les moyens qu’on va nous donner ?”, s’interroge la professeure. “Nous sommes avant tout des professionnels de santé, pas des travailleurs administratifs, nous devrons donc forcément consacrer du temps médical à cette tâche”, redoute-t-elle. Car, comme elle le rappelle, il s’agit de se replonger dans des dossiers médicaux, ce qui n’est pas anodin.

“Remise en question du consentement”

Nathalie Rives évoque également un souci moral, voire légal. “Ça remet complètement en question le consentement établi entre le praticien et le donneur. Mais aussi l’accord vis à vis des couples receveurs”, énumère-t-elle. Puisqu’avant la nouvelle loi, les conditions relatives aux dons étaient la gratuité, le volontariat et l’anonymat.

D’un point de vue légal, “la question est de savoir si le donneur a un droit acquis à l’anonymat, ou si l’anonymat était, au moment du don, une condition imposée au donneur”, souligne maître Damien Viguier.

“Qu’il y ait des changements pour le futur, nous y sommes favorables. Mais nous sommes contre la remise en question du consentement passé”, conclut de son côté Nathalie Rives.

“Le législateur peut imposer la rétroactivité”

C’est l’argument inverse qu’ont avancé les défenseurs de cette disposition. Coralie Dubost, député LREM qui a voté contre l’amendement visant à retirer cette partie de la loi, estime qu’il est “très délicat” de créer un droit uniquement pour l’avenir, en “niant tous ceux qui pourraient y avoir droit déjà aujourd’hui”, rapporte Le Monde.

D’ailleurs, la rétroactivité est loin d’être une nouveauté dans la loi française. “Ça s’est vu de tout temps !”, nous confirme maître Viguier. “Le législateur fait ce qu’il veut sur ce point, et même si ce n’est pas dans les principes, il peut imposer qu’une loi soit rétroactive”, précise-t-il.

Bien que sénateurs et députés aient voté à la majorité pour que cette disposition reste dans la loi, le gouvernement pourra toujours, à la fin de l’examen, demander une deuxième délibération.

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