L'incroyable histoire de deux Canadiens qui découvrent à 65 ans qu'ils ont été échangés à la naissance

L'un aurait dû grandir dans une famille aisée ukraino-polonaise, l'autre dans une famille pauvre franco-amérindienne. Mais la vie en a décidé autrement: Richard Beauvais et Eddy Ambrose, deux Canadiens de 67 ans, ont été échangés à la naissance.

Ce n'est qu'à l'âge de 65 ans que les deux hommes ont découvert leurs véritables origines, retrace le New York Times dans un double portrait qui raconte l'importance des origines socioethniques dans les parcours de vie.

Tests ADN

En 2021, Richard Beauvais apprend via un test ADN qu'il n'est pas "moitié français, moitié indien" comme il le pensait. Un choc pour ce pêcheur et chef d'entreprise, qui réfléchissait à l'époque à un tatouage en hommage à ses racines autochtones.

Au même moment, Eddy Ambrose, tapissier à la retraite, découvre lui aussi sa véritable identité avec un test similaire. Après être entrés en contact via le site web du test, les deux hommes se rendent à l'évidence qu'ils ont été échangés à la naissance, il y a 67 ans, dans un hôpital rural de la province du Manitoba où ils sont nés à quelques heures d'intervalle.

"Pendant 65 ans, chacun a mené la vie de l'autre, raconte le New York Times. Pour Richard Beauvais, une enfance difficile rendue encore plus traumatisante par les politiques brutales du Canada à l'égard des populations autochtones; pour Eddy Ambrose, une éducation heureuse et insouciante, imprégnée de la culture catholique ukrainienne de sa famille".

Enfance heureuse d'un côté, drames familiaux de l'autre

Dès la sortie de la maternité, les chemins divergent radicalement. Richard vit ses premières années avec ses parents dans une "petite maison mal construite" à Fisher Branch, commune rurale du centre canadien. Le père, Camille Beauvais, est un ancien employé de la SNCF. La mère, Laurette, est originaire de Saint-Laurent, une communauté peuplée d'amérindiens Cris où l'on parle un dialecte mêlant français et langage autochtone.

Richard perd son père quand il n'a que 3 ans. Il retourne alors à Saint-Laurent avec sa mère, ses frères et ses sœurs. C'est là que sa vie bascule, à l'âge de "8 ou 9 ans". Après la mort de ses grand-parents, qui prenaient en charge une grande partie de l'éducation de la fratrie, des agents du gouvernement confisquent les enfants Beauvais pour les placer dans des familles adoptives.

Plus tard, Richard apprendra qu'il a été enlevé dans le cadre des "Sixties Scoop" (rafle des années 60), une politique assimilationniste canadienne qui consistait à retirer des enfants autochtones à leur famille pour les faire adopter par des familles blanches. Sa mère avait tenté de récupérer la garde au tribunal, sans succès.

Pour Eddy, l'histoire est radicalement différente. Le petit métis vit une enfance heureuse, chéri par ses deux "parents" James et Kathleen Ambrose. Enfants d'immigrants ukrainiens, ils étaient des fermiers prospères qui possédaient également un magasin et un bureau de poste dans la petite ville de Rembrandt.

"J'ai 67 ans et tout d'un coup je suis Ukrainien"

Au New York Times, Richard confie son malaise et sa difficulté d'appréhender sa nouvelle identité. "J'ai 67 ans et tout d'un coup, je suis Ukrainien", résume-t-il.

De son côté, Eddy est encore sonné:

"J'ai l'impression qu'on m'a volé mon identité. Tout mon passé a disparu. Tout ce que j'ai maintenant, c'est la porte que j'ouvre sur mon avenir, que je dois trouver".

L'homme confie aussi ressentir une forme de culpabilité. "Richard aurait dû avoir mon éducation, dans une famille aimante", souffle-t-il.

Renouer avec ses racines

Le bouleversement est tel que les deux sexagénaires auraient préféré ne pas connaître la vérité. S'il dit mener une vie heureuse avec son épouse, ses enfants et petits-enfants, Richard ressent aujourd'hui une forme de vide.

"L'aspect autochtone était quelque chose que j'avais, que personne ne pouvait m'enlever", explique-t-il, estimant toutefois qu'il sera "toujours amérindien dans son esprit".

Eddy, lui, ressent le besoin de renouer avec ses racines. Il a pris contact avec sa sœur biologique et apprend l'art amérindien du perlage.

Article original publié sur BFMTV.com