Limoges : bronca après la réintégration d'un étudiant en médecine condamné pour agressions sexuelles

Nicolas W., un étudiant en médecine de 26 ans, a été condamné à cinq ans de prison avec sursis pour deux agressions sexuelles. Un temps suspendu par le CHU de Limoges où il effectuait un stage, il a finalement été réintégré après une décision du Tribunal administratif. La situation génère une vague d'indignation.

"Aujourd'hui ton violeur, demain ton docteur". Dans la nuit du mercredi au jeudi 25 avril, des affiches ont été placardées sur les murs de la fac de médecine de Limoges. Des mots couchés sur le papier pour dénoncer une histoire qui scandalise des étudiantes et étudiants de l'université de Limoges.

Au cœur du scandale, Nicolas W., un étudiant en médecine de 26 ans, actuellement en stage au CHU de Limoges* au service d'oncologie. Problème, l'étudiant a été condamné pour de multiples agressions sexuelles entre 2013 et 2020 à cinq années de prison avec sursis. Le tout, en pleine vague #Me Too à l'hôpital.

Une peine qui sera revue en appel, à la demande du parquet, qui espérait une peine de prison ferme. Celui-ci avait reconnu les faits, mais avait plaidé des pertes de contrôle sous l'effet de l'alcool dans un contexte de soirées étudiantes.

Après la condamnation de Nicolas W., le CHU de Limoges a dans la foulée pris la décision de suspendre son stage d'oncologie. Mais l'étudiant a saisi le tribunal administratif, qui lui a donné raison, et a ordonné sa réintégration, lundi 15 avril.

"La directrice générale du CHU de Limoges ne disposait pas du pouvoir de suspension", pointait le tribunal dans sa décision que BFMTV.com a pu consulter.

L'avocat du plaignant rappelait de son côté que son client n'avait pas mené d'acte répréhensible dans l'enceinte de l'hôpital, auprès de France Bleu. De son côté, le CHU a appuyé qu'il était de son devoir de "respecter" une décision de justice.

Mais des étudiants en médecine de l'université de Limoges conspuent cette décision et se sont rassemblés derrière le collectif "Emma Auclert". Ils ont partagé leur dégoût dans une publication Instagram:

"Ce genre de condamnation n'est pas compatible avec la profession de médecin. Nous sommes des professionnels qui peuvent demander à des patients de se déshabiller et leur dire, je vais vous palper les seins. On ne peut pas questionner la moralité des gens qui exercent ce métier".

View this post on Instagram

! 🐚🐪

A post shared by Viktorija Burakauskas (@toribur) on Jan 21, 2020 at 8:43am PST

Outre le CHU, l'université de Limoges est elle aussi appelée à se saisir du dossier. Auprès du Populaire du Centre, sa présidente, Isabelle Klock-Fontanille, se dit "prête à agir" mais attend de recevoir le jugement du tribunal correctionnel de Tours pour saisir une commission disciplinaire - dont l'enquête et le compte-rendu prendraient du temps.

"Je comprends la colère des étudiants, évidemment, mais si nous prenons des mesures maintenant, ce serait contre- productif et on serait retoqué. Si mesure d'exclusion, il y a, nous pourrons seulement lui interdire d'accéder aux locaux".

Malgré les tentatives de contenir la polémique, celle-ci continue de s'étendre. Les derniers à s'en être saisis: deux parlementaires. Les députés LFI Manon Meunier et Damien Maudet se sont joints à la grogne étudiante.

"Dans les prochains jours, nous solliciterons l'Université afin de savoir pourquoi aucun conseil de discipline n'est programmé. Ainsi que l'Ordre des Médecins, pour comprendre comment cette situation peut se produire", a expliqué sur X Damien Maudet.

Une lettre ouverte cosignée par les parlementaires ainsi que plusieurs collectifs et fédérations d'étudiants doit être adressée prochainement aux autorités. Ministère de la Santé, garde des Sceaux, agences nationales de la santé, Ordre des médecins... BFMTV.com a pu consulter ce document "d'alerte".

Il y est demandé, entre autres, une réunion en urgence du conseil disciplinaire "avant que le mis en cause puisse passer ses examens, continuer ses stages et, par conséquent, sa carrière de soignant". Il est également requis la mise en place d'un "protocole spécifique" de protection contre les agressions sexuelles, alors que l'hôpital est traversé par un mouvement #MeToo.

*Sollicités par BFMTV.com, le CHU de Limoges, l'Université de Limoges et l'Ordre des médecins n'avaient pas répondu à nos requêtes d'interviews au moment de la publication.

Article original publié sur BFMTV.com