Soupçons sur la Russie: Le Sénat US promet d'enquêter activement

par Dustin Volz et Susan Cornwell WASHINGTON (Reuters) - Les dirigeants de la commission sénatoriale du renseignement ont promis jeudi de poursuivre aussi activement que possible leur propre enquête sur les soupçons d'ingérence russe dans les élections américaines de novembre 2016, malgré les remous suscités par le renvoi du directeur du FBI, James Comey. Le président républicain de cette commission, Richard Burr, et le démocrate Mark Warner ont fait cette déclaration à la presse à l'issue d'une rencontre avec l'Attorney General adjoint Rod Rosenstein. Donald Trump, de son côté, a tenu à dire jeudi que le renvoi de Comey n'était pas un message signifiant au FBI qu'il devait renoncer à l'enquête sur le rôle présumé de la Russie. Il s'en est pris de nouveau à James Comey, le traitant de "fanfaron", de quelqu'un "qui fait l'intéressant", ajoutant qu'il l'aurait destitué même si des responsables du département de la Justice ne lui avaient pas recommandé de le faire. "J'allais limoger Comey. C'était ma décision. J'allais le faire quelles que soient les recommandations", a-t-il affirmé sur la chaîne NBC. Une source parlementaire a déclaré mercredi que James Comey avait sollicité des ressources supplémentaires pour l'enquête qu'il dirigeait sur les soupçons d'ingérence de la Russie, quelques jours avant son limogeage. Le directeur du Bureau fédéral d'enquête a été renvoyé mardi officiellement en raison de sa gestion de l'enquête au sujet d'anciens courriels de la candidate démocrate Hillary Clinton. La décision de Donald Trump a abasourdi Washington mais le président l'a ainsi justifiée: "Il ne faisait pas du bon travail, c'est tout simple", a-t-il dit à la presse dans le Bureau ovale. Dans une lettre à ses équipes, James Comey estime qu'un "président peut renvoyer un directeur du FBI pour n'importe quelle raison, ou sans aucune raison". L'ex-patron du FBI ajoute qu'il ne compte pas s'appesantir sur la décision de Trump ni sur "la manière dont elle a été exécutée". Le président républicain de la commission de surveillance du travail gouvernemental, Jason Chaffetz, a demandé que la décision de limoger Comey soit examinée par l'inspecteur général du département de la Justice. Les démocrates, mais d'autres aussi, doutent du motif présenté et accusent la Maison blanche de vouloir affaiblir l'enquête du FBI sur la Russie. Le chef du groupe démocrate au Sénat, Chuck Schumer, a dit avoir parlé à Donald Trump et lui avoir dit qu'il faisait "une très grosse erreur" en se séparant de James Comey. SON MANDAT COURAIT JUSQU'EN 2023 Des manifestants se sont rassemblés à Washington, à Chicago et dans d'autres grandes villes pour réclamer eux aussi l'ouverture d'une enquête indépendante sur les liens présumés entre la Russie et les équipes de campagne de Trump. A la Maison blanche, on dément toute motivation politique. James Comey, 56 ans, s'est retrouvé au centre d'une controverse autour de son enquête sur l'utilisation par Hillary Clinton de son adresse électronique privée alors qu'elle était secrétaire d'Etat pendant la première présidence Obama afin de savoir si cela avait pu compromettre la sécurité nationale. Le directeur du FBI avait dit en juillet, en pleine campagne présidentielle, que l'affaire devait être close sans lancer de poursuites, pour par la suite déclarer, à onze jours de l'élection du 8 novembre, qu'il avait rouvert le dossier en raison d'éléments nouveaux. Cette décision, ont estimé certains démocrates à l'époque, a été l'un des facteurs de la défaite d'Hillary Clinton, même si le dossier avait été refermé quelques jours plus tard. De nombreux démocrates se sont certes montrés critiques sur la façon dont James Comey a géré l'enquête sur les emails d'Hillary Clinton, mais ils se disent perturbés par le moment choisi pour son renvoi. Selon une source parlementaire proche du dossier, le directeur du FBI a informé les législateurs de sa demande de nouvelles ressources -- principalement des effectifs -- pour l'enquête sur la Russie, au département de la Justice. La commission du Sénat sur le renseignement, chargée de sa propre enquête sur le sujet, avait précédemment demandé au FBI d'accélérer la sienne, précise cette source. La démocrate Dianne Feinstein, membre de la commission des affaires judiciaires du Sénat, a dit à des journalistes que, selon sa propre compréhension, Comey était à la recherche de ressources supplémentaires pour l'enquête du FBI. Les agences américaines de renseignement ont conclu, dans un rapport publié en janvier, que le président russe Vladimir Poutine avait ordonné une tentative de perturber l'élection présidentielle de 2016 dans le but d'aider Donald Trump. La Russie a nié à plusieurs reprises être intervenue dans la campagne présidentielle. L'administration Trump dément pour sa part les accusations de collusion avec Moscou. Le mandat de James Comey courait jusqu'en 2023. Il était entré en fonction en septembre 2013 sous la seconde présidence de Barack Obama. En attendant de trouver un nouveau directeur au FBI, son adjoint, Andrew McCabe, assure l'intérim. (Avec Susan Heavey, David Alexander et Arshad Mohammed, Danielle Rouquié, Eric Faye pour le service français)