« Liberté d’être moche » et symbole queer, le regain de la coupe mulet veut dire beaucoup

Pour les adeptes du mulet, cette coiffure est bien plus qu’une coupe de cheveux.
Getty Images Pour les adeptes du mulet, cette coiffure est bien plus qu’une coupe de cheveux.

COUPE - « Anticonformisme », « acceptation de soi », « aller à l’encontre des attentes sociétales »… Difficile de penser que ces mots définissent la coupe mulet. Et pourtant. Pour ses adeptes, elle est plus qu’une simple coupe de cheveux. Au festival européen de la coupe mulet, qui s’est tenu le 8 octobre à Ittre, en Belgique, les festivaliers étaient nombreux à revendiquer leur choix capillaire au HuffPost.

Habillée de couleurs pastel et d’une banane rose assortie à ses cheveux, Laura fait pousser son mulet depuis un an et demi. Avant cela, elle avait la coupe au bol, « avec les cheveux courts en dessous et long au-dessus, donc complètement l’inverse ». Pourquoi a-t-elle succombé au mulet ? « Parce que c’est un état d’esprit, c’est la liberté, c’est ne pas se prendre au sérieux, commente-t-elle. C’est dire “je m’en fous des conventions”. »

Une analyse que partage Duncan, qui, avec sa polaire bordeaux, son style passe-partout et son mulet classique, dénote dans le rassemblement. Ironiquement, il fait partie de ceux que l’on remarque le plus. Le trentenaire a adopté sa coupe en mai, et ne la changerait pour rien au monde. « C’est classe quand même », affirme-t-il. Pour lui, elle dépasse les frontières capillaires. « C’est une façon d’être je-m’en-foutiste, de vivre sa vie comme on l’entend », avance-t-il. À quelques mètres de lui, Phil acquiesce. « En fait, c’est la liberté d’être moche », sourit le Belge.

Certains amoureux du mulet l’ont même adopté non pas que par esthétisme, mais aussi pour ce qu’il représente. « Il a une identité hyper prononcée et il revient à la mode maintenant, de façon à ce que l’on puisse le détourner. Le porter, c’est aussi faire un pied de nez à une société qui nous veut très cadrés », explique Quentin, venu de Toulouse pour l’occasion. Adopter une coupe mulet est une manière pour lui d’affirmer son identité. « Les cheveux, c’est un des seuls éléments corporels avec lequel on est né et sur lequel on a le pouvoir. On peut les couper, les laisser pousser, les colorer… », précise-t-il.

Les célébrités aussi y succombent

De Rihanna à Miley Cyrus, en passant par Redcar, ex-Christine and The Queens, Zac Efron, Zendaya et plus récemment Namjoon, membre du groupe de K-pop BTS, la coupe mulet s’impose comme la nouvelle coupe de cheveux tendance. « Si cette coupe devient la norme, il n’y a plus d’intérêt à la porter, plaisante Phil, porteur de la coupe mulet depuis 3 ans. Il va falloir que je me penche sur une autre coupe de cheveux. »

« Maintenant que le mulet est revenu, il faudrait aller plus loin et se faire la queue-de-rat pour être vraiment en dehors des normes, avance Quentin. Perso, après le mulet, je vais me raser la tête. Et ça aussi, c’est une coupe qui veut dire beaucoup. »

Laura estime que c’est une bonne chose que les célébrités se mettent à la coupe mulet. Cela montre que tout le monde, y compris des personnalités médiatisées, se dirige davantage vers l’être que le paraître. « Elles se détachent des carcans de Hollywood, de la télévision et du cinéma, c’est positif », explique-t-elle.

Mais pour Ginette, coiffeuse depuis 19 ans, ce regain de la coupe mulet ne vient pas que des célébrités. « La plupart de mes clients ne suivent pas les phénomènes de mode portés par les stars, donc cette tendance vient aussi d’autre part, souligne-t-elle. De plus en plus de personnes adhèrent à cette manière de revendiquer une certaine liberté et ont envie de donner un sens à ce qu’ils montrent de leur physique. »

Un symbole queer

Pour ses adeptes, la coupe mulet est un moyen de se libérer, mais aussi de se débarrasser d’un carcan : le genre. On la retrouve aussi bien sur les têtes masculines que féminines, et également sur celles de ceux qui ne se retrouvent dans aucun de ces deux genres. Pour ce fait, le mulet est très populaire dans la communauté LGBT+.

Il était d’ailleurs très utilisé chez les lesbiennes des années 80. À l’époque, porter un mulet c’était s’exprimer, sans avoir à le dire à voix haute, sur son identité sexuelle. Une sorte de signe de reconnaissance, qu’Ellen Degeneres, animatrice américaine ouvertement lesbienne, affichait en 1987 sur le plateau de l’émission The Tonight Show. Le lesbian mullet a même sa définition dans le Urban Dictionary : « variante du mulet classique, plus court et généralement porté par les lesbiennes aux États-Unis », peut-on y lire.

Aujourd’hui, son symbole s’est étendu à l’ensemble de la communauté. À la télé, il est arboré par Crystal Methyd, drag queen de l’émission RuPaul’s Drag Race. Au cinéma, il est porté par Kristen Stewart, bisexuelle. Si la coupe mulet est symbole queer, c’est parce que « c’est un moyen de revendiquer être “à l’écart”, d’assumer notre identité qui dérange certains, affirme Quentin. On est déjà parfois refusé pour des emplois à cause de notre sexualité, et avec cette coupe, ça n’arrange rien. Mais c’est aussi une manière de bouleverser la société et de montrer qu’on ne cédera pas. »

Pour le danseur toulousain, la nuque longue permet de provoquer et de se moquer du patriarcat. « Elle est hyper connotée, elle porte le symbole du mec macho, brut, qui en impose. Et maintenant, on la reprend pour en faire l’inverse », précise-t-il. Si son esthétique n’en finit pas de diviser, le retour du mulet n’est pas anodin. Provocant, symbolique et libertaire : le porter, c’est en finir avec les diktats de beauté et la binarité.

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