L'histoire émouvante de Saul Dreier, survivant de la Shoah et leader d'un groupe de musique à 98 ans

Le rythme dans la peau, quelque soit l'âge. À 98 ans, Saul Dreier continue à jouer pour le Holocaust Survivor Band, son groupe jouant du klezmer, de la musique traditionnelle juive. Une activité qu'il a débuté en 2014 mais dont la passion remonte à des décennies. Retour à la Seconde Guerre mondiale.

Saul Dreier, polonais et de confession juive, a alors 14 ans lorsqu'il est emmené dans un camp de concentration qui s'appelait Kraków Plaszów.

"Après un an, peut-être un an et demi, j'ai été envoyé dans le centre de concentration d'Oskar Schindler. Là-bas, nous étions un groupe de personnes, des personnes juives, qui travaillaient", raconte-t-il à BFMTV.

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"Chaque soir, quand nous rentrions au dortoir après avoir dîné, il y avait un chantre nommé David Werdyger et il a commencé à chanter. J'étais allongé dans mon lit et pendant qu'il chantait je me suis dit qu'il manquait quelque chose: un rythme", poursuit-il.

"Tu sais Saul, tu es fou"

Saul Dreier, qui est là-bas devenu ami avec un Polonais travaillant dans la même usine que lui, lui demande alors un service: "j'ai dit 'Stanysla, j'ai un problème. J'ai une cuillère en bois cassée, je souhaite que tu me rapportes une cuillère en métal pour que je mange'".

"J'ai eu deux cuillères, j'étais dans mon lit et quand j'entends les chants alors je les ai prises, je jouais avec des cuillères lorsqu'il chantait. C'est comme ça que j'ai appris à jouer de la batterie", se rappelle le musicien.

Libéré du camp de Linz où il avait été transféré par l'armée américaine, Saul Dreier reprend sa vie, d'abord en Italie puis s'installe aux États-Unis. En 2014, alors qu'il est sur son ordinateur, il raconte avoir appris la mort d'une célèbre pianiste survivante de l'Holocauste et du camp de concentration de Theresienstadt.

"Je me suis dit que je devais faire quelque chose. J'ai eu une idée, celle de lancer un groupe de survivants de l'Holocauste. J'en ai parlé à ma femme qui m'a répondu 'tu sais Saul, tu es fou'. Et le lundi matin j'ai pris un chèque vierge, suis allé dans magasin et j'ai acheté cette batterie", témoigne Saul Dreier.

"Ma mission est de rassembler"

Il décide alors d'engager des musiciens qui étaient soit des survivants de l'Holocauste soit des enfants de survivants, ainsi qu'un chanteur venu d'Israël.

"Nous avons joué un premier concert pendant une heure et demie, c'était extraordinaire", se remémore-t-il sur BFMTV.com.

"Alors que je commençais à ranger ma batterie, ma femme voulait me parler. Et elle m'a dit 'Saul, nous sommes mariés depuis 51 ans, je vis avec toi depuis 55 ans mais aujourd'hui tu es mon héros, tu es ma célébrité. Et c'est pour ça que je l'ai lancé (le groupe de musique, NDLR)", confie Saul Dreier, non sans émotion.

Aujourd'hui le musicien, qui a également lancé sa fondation continuer de jouer, de partager son histoire et de délivrer un message de paix: "ma mission est de rassembler tous ces gens, les plus jeunes, de parler aux enfants, leur dire qu'il y a eu un Holocauste, leur dire ce que je vous ai dit sur moi. Et mon slogan est 'plus jamais'".

"Vous avez un cœur, comme moi, pourquoi devons-nous nous battre? Nous sommes tous les mêmes, noir, rouge, blanc, vert, juif, non juif. Je vais me battre jusqu’à ma mort. Il devrait y avoir la paix et pas d'antisémitisme sur Terre", conclut-il.

Article original publié sur BFMTV.com