Les voisins de l'Afghanistan redoutent un afflux de réfugiés

Un camp de réfugiés dans la province de Herat en Afghanistan. Pris au dépourvu par le projet de retrait des troupes américaines déployées en Afghanistan, les pays voisins de l'Afghanistan se préparent à l'afflux de réfugiés qui pourrait se produire dans la foulée. /Photo prise le 14 octobre 2018/REUTERS/Mohammad Ismail

par Rupam Jain

KABOUL (Reuters) - Pris au dépourvu par le projet de retrait des troupes américaines déployées en Afghanistan, les pays voisins de l'Afghanistan se préparent à l'afflux de réfugiés qui pourrait se produire dans la foulée, disent des diplomates de la région.

Devant le risque d'un retrait précipité, ces pays ont commencé à adapter leur politique de surveillance des frontières et entendent, pour certains d'entre eux, les durcir.

"Pour l'heure, il n'y a pas de clarté sur la question du retrait, mais nous devant nous préparer", commente un diplomate basé à Kaboul. "La situation peut très rapidement passer de mauvaise à grave."

Interrogé sur la perspective d'un retrait des forces américaines, un porte-parole de la Maison blanche a déclaré que la présidence n'avait pour l'heure donné au Pentagone aucun ordre de départ, mais personne n'a démenti le projet de retrait qui porterait sur le départ de près de la moitié des 14.000 militaires américains déployés sur le sol afghan.

Parmi les puissances régionales, qu'il s'agisse de l'Iran, du Pakistan ou de la Russie, pourtant peu suspectes de sympathies à l'égard de Washington, l'hypothèse d'un retrait américain n'est pas accueillie dans l'enthousiasme.

"Si l'annonce d'un éventuel retrait américain pourrait provoquer un regain d'optimisme prudent dans la région, ils ne souhaitent pas que le retrait soit brusque", souligne Graeme Smith, consultant pour l'International Crisis Group.

"Tout le monde s'accorde sur le fait qu'un retrait précipité risque de provoquer une nouvelle guerre civile qui pourrait déstabiliser la région. Les voisins n'aiment pas les surprises et les signaux incertains provenant de Washington sont des facteurs d'anxiété", poursuit-il.

CLÔTURE

Les Etats-Unis, qui sont intervenus en Afghanistan dans la foulée des attaques du 11 septembre 2001, ont évacué l'essentiel de leur contingent en 2014 mais ils y ont maintenu 14.000 hommes dans le cadre de la mission "Resolute Support" et d'une mission antiterroriste principalement dirigée contre les djihadistes de l'Etat islamique et d'Al Qaïda.

Le Pakistan, qui travaille déjà à l'érection d'une clôture tout au long de ses 1.400 kilomètres de frontière avec l'Afghanistan et qui s'apprête à y déployer une force paramilitaire de 50.000 hommes, se prépare à l'afflux de réfugiés que pourrait provoquer le retrait américain.

"Des camps seront dressés le long de la frontière pour gérer une nouvelle vague de réfugiés afghans et de migrants illégaux, les Afghans ne seront pas autorisés à construire des logements illégaux au Pakistan", prévient un responsable qui s'exprime sous le sceau de l'anonymat.

Selon l'Organisation internationale pour les migrations, près de 1,4 million d'Afghans vivent déjà au Pakistan et peut-être 1,2 million en Iran.

Si des milliers d'Afghans sans-papiers ont déjà quitté l'Iran, les diplomates iraniens en poste à Kaboul redoutent une inversion des flux si le projet de retrait américain était mené à bien.

"Nous travaillons étroitement avec le gouvernement afghan pour que les Afghans cessent d'entrer dans notre pays. Nous ne voulons pas recourir à la violence contre eux, mais un retrait américain soudain conduira à une crise", explique un responsable iranien.

La Turquie, pays qui n'est pas limitrophe de l'Afghanistan, est elle aussi une terre d'exil pour de nombreux afghans qui vont y travailler comme bergers, employés agricoles ou dans le secteur de la construction, et un point de passage vers l'Europe.

"Nous n'avons pas fermé notre porte, mais le nombre de migrants illégaux augmente chaque jour", a souligné Mehmet Ozgur Sak, un diplomate en poste à l'ambassade de la Turquie à Kaboul.

La police turque dit avoir intercepté 90.000 Afghans en 2018, le double du niveau atteint en 2017.

(Avec Storay Karimi à Herat; Nicolas Delame pour le service français)