Les ONG appellent l'Europe à changer de cap sur l'accueil des migrants

Le Conseil européen de jeudi et vendredi risque de marquer une nouvelle étape dans la dégradation des droits des réfugiés, mettent en garde mercredi des associations d'aide européennes, invitant les Etats membres à changer de cap pour éviter de sombrer "un peu plus dans une crise morale et politique". /Photo prise le 26 juin 2018/REUTERS/Jon Nazca

PARIS (Reuters) - Le Conseil européen de jeudi et vendredi risque de marquer une nouvelle étape dans la dégradation des droits des réfugiés, mettent en garde mercredi des associations d'aide européennes, invitant les Etats membres à changer de cap pour éviter de sombrer "un peu plus dans une crise morale et politique".

Dans un rapport publié mercredi, l'association française d'aide aux migrants la Cimade, accuse la France de jouer "les premiers rôles" dans la "politique du pire" des Etats membres pour limiter les mouvements des migrants à destination et à l'intérieur du continent.

A la veille d'un conseil largement centré sur une question migratoire remise à l'ordre du jour par le refus italien de deux bateaux humanitaires, la Cimade appelle les Européens à mettre fin à une "compétition désastreuse" sur "la politique la plus à même de dissuader les personnes migrantes d'entrer".

A l'issue d'une série de missions aux frontières françaises mais aussi hongroises en 2017 et 2018, l'association qualifie la crise des réfugiés de 2015 de "parfait prétexte" à la fermeture des frontières.

Depuis septembre 2015, dix pays ont rétabli des contrôles systématiques à leurs frontières intérieures et six pays, dont la France, continuent de mener des contrôles systématiques dans ce cadre, aboutissant notamment à des refoulements.

Les décisions de non-admission à la frontière française sont passées de 11.000 en 2014 à 86.000 en 2017, note le rapport sur la base de chiffres officiels. L'association dénonce "le détournement de la lutte antiterroriste pour contrôler la migration", seuls 20 refus d'entrée en France ayant été prononcés l'an dernier pour menace à l'ordre public.

"À sa frontière avec l'Italie, la France déploie des moyens considérables pour bloquer les personnes exilées (...) À sa frontière avec le Royaume-Uni, elle met tout en œuvre pour les empêcher de partir", souligne la Cimade.

En Méditerranée, les refoulements se "matérialisent par la délégation croissante des interceptions en mer aux gardes-côtes libyens, une des formes de l'externalisation des politiques migratoires européennes", note le rapport, qui fustige par ailleurs des "accords de coopération indignes avec des pays comme la Libye, la Turquie, le Niger ou encore le Soudan".

Contre le projet de centres fermés avancé par Emmanuel Macron au niveau européen, l'association appelle les Etats membres à renoncer à l'approche "hotspots", à "rompre avec une politique qui consacre la détention des personnes migrantes comme un mode de gestion privilégié" au profit d'une politique axée sur l'accueil et la protection plutôt que sur la surveillance des frontières et l'externalisation.

Le réseau d'associations Migreurop, auquel appartient la Cimade, invite les dirigeants européens à "changer de cap".

"Sans rupture avec les logiques de l'externalisation de l'asile et du contrôle des frontières, l'UE s'enfoncera un peu plus dans une crise morale et politique dont les milliers de morts aux frontières sont les premières victimes", estime la fédération d'associations dans un communiqué.

(Julie Carriat, édité par Yves Clarisse)