L'ONG des Frères musulmans va être dissoute

Le gouvernement égyptien a décidé de dissoudre les Frères musulmans en tant qu'organisation non gouvernementale, rapporte le journal officiel Al Akhbar, vendredi, précisant que la décision sera annoncée la semaine prochaine. /Photo d'archives/REUTERS/Amr Abdallah Dalsh

LE CAIRE (Reuters) - Les autorités égyptiennes ont décidé de dissoudre les Frères musulmans en tant qu'organisation non gouvernementale, rapporte vendredi le journal Al Akhbar, précisant que la décision sera annoncée la semaine prochaine. S'il ne s'agit pas d'une interdiction, cette dissolution réduira la possibilité pour la confrérie de contester les recours intentés contre elle devant les tribunaux et illustre la détermination des autorités soutenues par l'armée à en finir avec le mouvement islamiste qui a remporté les cinq scrutins organisés depuis la chute d'Hosni Moubarak en 2011. Le ministre de la Solidarité sociale, Ahmed El Boraïe, a "décidé de dissoudre l'organisation. Le décret n'a pas encore été publié", a déclaré à Reuters son porte-parole, Hany Mahana. La décision sera annoncée dans le courant de la semaine prochaine, dès que le ministre rentrera d'un voyage à l'étranger, a-t-il dit. Par courrier adressé jeudi au ministre, la fédération générale égyptienne des ONG a accepté cette dissolution des Frères musulmans car ses dirigeants n'ont pas répondu dans les délais à des accusations d'incitation à la violence, a expliqué Hany Mahana. Ces accusations remontent aux grandes manifestations de juin contre Mohamed Morsi, pendant lesquelles des hommes armés ont été vus tirant sur une foule rassemblée devant le siège de la confrérie au Caire. "Ils ont été convoqués à trois reprises et aucun d'entre eux ne s'est présenté. Par conséquent, conformément à la loi, le ministre de la Solidarité sociale peut dissoudre l'ONG", a déclaré Hany Mahana. UN MILLION D'ADHERENTS La sévère répression dont les Frères sont l'objet n'a toutefois pas mis fin aux manifestations organisées à l'échelle nationale pour réclamer la réintégration dans ses fonctions du président Mohamed Morsi, issu de la confrérie, que l'armée a destitué en juillet après la vaste mobilisation de ses opposants. Elle n'a pas non plus enrayé une montée de l'activisme armé, qui a culminé jeudi avec une tentative d'assassinat du ministre de l'Intérieur Mohamed Ibrahim. Les Frères, qui prônent la résistance pacifique au "coup d'Etat" du 3 juillet, ont condamné cet attentat mais ont lancé un nouvel appel à manifester ce vendredi - le troisième en huit jours - contre le coup de force des militaires. Depuis juillet, près d'un millier de partisans de Mohamed Morsi sont tombés sous les balles des forces de l'ordre et la plupart des cadres de l'organisation, dont le président déchu, sont sous les verrous pour incitation à la violence. Symbolique, la décision de vendredi s'applique à l'ONG officiellement enregistrée par la confrérie au mois de mars en réaction à une procédure qui contestait son statut juridique. La dissolution fait suite à des accusations selon lesquelles des armes et des explosifs auraient été entreposés au siège des Frères musulmans, précise Al Akhbar. Fondée en 1928, la confrérie a été dissoute en 1954, mais son existence a ensuite été tacitement tolérée et ses représentants ont pu siéger au Parlement grâce à des élus officiellement sans étiquette. Elle revendique aujourd'hui un million d'adhérents. Le Parti de la liberté et de la justice qu'elle a mis sur pied en 2011, après le renversement d'Hosni Moubarak, n'a pour le moment pas été inquiété. Malgré l'arrestation de la plupart de ses dirigeants, l'organisation, très implantée socialement, parvient toujours à mobiliser. Le massacre de plusieurs centaines de ses partisans, le 14 août au Caire, lors du démantèlement des campements dressés par ses partisans, a même donné un nouvel élan à la contestation. Le ministre de l'Intérieur Mohamed Ibrahim, qui a échappé jeudi à un attentat, a été l'un des artisans de cette opération. Pierre Sérisier, Guy Kerivel et Jean-Philippe Lefief pour le service français, édité par Jean-Stéphane Brosse