Les européennes marquées par la victoire du FN en France

par Luke Baker et Paul Taylor BRUXELLES (Reuters) - La première place obtenue par le Front national (FN) en France a marqué les élections européennes bien au-delà des frontières de l'Hexagone dimanche, mais le vote protestataire et anti-européen a progressé dans beaucoup d'autres pays touchés par l'austérité et un chômage élevé. Sans attendre les résultats définitifs, le Premier ministre français, Manuel Valls, a estimé que la victoire du FN, crédité de 26% des voix - cinq points de plus que l'UMP et 12 de plus que le Parti socialiste -, était "un choc, un séisme (...) pour la France et pour l'Europe". Pour Marine Le Pen, la présidente du FN, "le peuple a parlé haut et clair (...) Il ne veut plus être dirigé du dehors, se soumettre à des lois qu'il n'a pas votées, ni obéir à des commissaires qui ne se sont pas soumis à la légitimité du suffrage universel." Une participation faible (43,1% à l'échelle de l'Union) a favorisé dans bon nombre d'Etats membres les partis d'extrême droite et de la gauche radicale, même si en Allemagne et en Italie, les partis au pouvoir l'ont emporté. Même si les eurosceptiques semblent en passe de doubler le nombre des sièges qu'ils détiendront dans le nouveau Parlement européen, ils n'empêcheront pas le centre gauche et le centre droit de conserver le contrôle de l'assemblée. Le Parti populaire européen (PPE, centre droit) pourrait en effet réunir 211 sièges selon des projections officielles diffusées dimanche soir. "Le PPE est en train de gagner les élections européennes. Et il revendique donc la présidence de la Commission européenne", a déclaré sur son compte Twitter Jean-Claude Juncker, le candidat du bloc pour la présidence de l'exécutif communautaire. Le Parti socialiste européen (PSE) est quant à lui crédité de 193 sièges. Son candidat à la succession de José Manuel Barroso, l'Allemand Martin Schulz, a dit croire en ses chances de former une majorité derrière lui. Le bloc eurosceptique obtiendrait dans son ensemble 129 élus mais ne présente pas un groupe politique constitué et homogène au Parlement. Suivent l'Alliance des démocrates et libéraux (ADLE), projetée à 74 sièges, les écologistes à 58 et la gauche radicale européenne à 47. UN PARTI ANTI-IMMIGRATION EN TÊTE AU DANEMARK Compte tenu de ces résultats, les retombées politiques de ces élections pourraient se faire ressentir plus fortement au niveau national qu'à l'échelle de l'Union, en incitant certains partis conservateurs à infléchir leur ligne vers la droite et à mettre l'accent sur leur politique d'immigration. Au Danemark, le Parti populaire, ouvertement anti-immigrés, devrait arriver en tête avec 23% des suffrages et en Hongrie, le mouvement d'extrême droite Jobbik, accusé de racisme et d'antisémitisme, se classe en deuxième position avec 15%. En Grande-Bretagne, le Parti pour l'indépendance du Royaume-Uni (Ukip), partisan d'une sortie de l'Union, devrait enregistrer un bon score, comme il l'a fait lors des élections locales jeudi. A l'aune de ces performances, le PVV (Parti pour la liberté) néerlandais, le parti anti-islam et eurosceptique de Geert Wilders, allié potentiel du FN français au PE, peut être déçu: il a raté la première marche du podium, son objectif, en se classant derrière les chrétiens-démocrates. En Allemagne, l'AfD, un mouvement créé l'an dernier qui milite pour l'abandon de l'euro, a remporté ses premiers sièges de députés avec environ 6,5% des voix. Mais il reste loin de la CDU-CSU d'Angela Merkel, créditée de 36%, et des sociaux-démocrates du SPD, à 27,5%. "L'Allemagne a exprimé un vote clairement pro-européen et la participation élevée est un bon signe pour l'idée d'unité européenne", a commenté David McAllister, le chef de file de la CDU pour ce scrutin. En Italie, le Parti démocrate (PD) du président du Conseil Matteo Renzi l'emporterait largement avec un peu plus de 40% des voix selon des projections de la Rai, loin devant le Mouvement 5 Etoiles de Beppe Grillo (23,1%). MERKEL ET RENZI CONFORTÉS En Grèce, c'est un parti de gauche bien plus radical, Syriza, qui est donné en tête avec 26,7% des voix, reléguant la Nouvelle démocratie du Premier ministre Antonis Samaras à 22,8%. Ce résultat peut évidemment s'expliquer par les conséquences de la politique d'austérité mise en oeuvre par Athènes sous la férule de la "troïka" (Commission européenne, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international). Pour autant, le gouvernement Samaras, qui ne dispose que de deux sièges de majorité au Parlement national, affichait sa confiance dimanche soir. "C'est facile pour les gens d'émettre un vote protestataire aux élections européennes", a dit son porte-parole, Simos Kedikoglou, à la télévision, avant d'ajouter que "le scénario politique d'une chute du gouvernement que Syriza essayait d'écrire ne se vérifie pas dans les faits". Les deux parties de la coalition gouvernementale, Nouvelle démocratie et le Parti socialiste (Pasok), affichent un score combiné supérieur à celui de Syriza. Le scrutin grec a aussi été marqué par les 9,3% attribués au parti extrémiste Aube dorée. Dans le nouveau Parlement européen, l'extrême droite et la gauche radicale devraient détenir jusqu'à un quart des sièges au total, suffisamment pour faire entendre leur voix mais pas assez pour empêcher l'assemblée de légiférer. Les résultats définitifs en sièges devraient être connus dans la journée de lundi. (avec les bureaux européens de Reuters; Henri-Pierre André et Marc Angrand pour le service français)