Les députés assouplissent l'impopulaire limitation à 80 km/h

Les députés ont donné leur feu vert à un assouplissement des règles relatives à la limitation à 80 km/h sur les routes secondaires en France, désormais soumise à l'avis du président du conseil départemental, lors d'un vote en commission. /Photo d'archives/REUTERS/Régis Duvignau

par Elizabeth Pineau

PARIS (Reuters) - Les députés ont donné leur feu vert à un assouplissement des règles relatives à la limitation à 80 km/h sur les routes secondaires en France, désormais soumise à l'avis du président du conseil départemental, lors d'un vote en commission.

Cette décision prise dans la nuit de jeudi à vendredi, qui répond à une forte demande de l'opinion, en particulier dans les campagnes et les zones périurbaines, engendre un transfert de responsabilités et pose des questions sur le terrain, puisque les routes nationales ne seront pas concernées.

Partisan de la limitation de vitesse pour sauver des vies, le Premier ministre, Edouard Philippe, avait déclaré jeudi ne voir aucun "inconvénient" à laisser aux élus locaux le choix d'appliquer ou non la limitation à 80 km/h à condition de l'assortir de mesures garantissant le plus "haut niveau de sécurité routière possible".

Lors de l'examen du projet de loi sur les mobilités, le Sénat avait donné compétence aux présidents de département et aux préfets pour relever la vitesse maximale autorisée. L'amendement adopté à l'Assemblée supprime cette compétence pour le préfet, représentant de l'Etat.

"Plusieurs voix se sont exprimées pour donner la capacité aux présidents de conseils départementaux de revenir, pour certains axes, à 90 km/h. Le gouvernement a toujours fait le choix de faire confiance aux acteurs locaux", a commenté la ministre des Transports, Elisabeth Borne. "Il n'est pas du rôle du préfet de déroger à un principe fixé par l'Etat".

Elle a rappelé que la limitation à 80 km/h avait permis "d'épargner plus de 100 vies" selon les statistiques de l'Observatoire national interministériel de la sécurité routière pour le second trimestre 2018.

"Notre volonté, avant tout, c'est d'écouter les territoires, c'est d'écouter nos élus locaux", a déclaré pour sa part le député LaRem Jean-Marc Zulesi, signataire de l'amendement.

Dans un courrier à Edouard Philippe dont Reuters a consulté une copie, le président de l'Assemblée des départements de France, Dominique Bussereau, salue une "adaptation aux réalités" et demande que toute décision du président de département "soit prise avec la possibilité de solliciter un avis du préfet" dans le souci de faciliter "la collaboration des services des départements et de l'État".

Pour le député Les Républicains de l'Aveyron Arnaud Viala, interrogé par Reuters, "le retour en arrière sur le fond est une mesure de bon sens mais les modalités sont scandaleuses".

L'élu juge "extrêmement lâche ce transfert de responsabilité et de la culpabilité sur les seuls élus départementaux. Il va falloir qu'ils acceptent de prendre cette charge, il va y avoir une levée de bouclier de leur part et elle est justifiée".

"TOUR DE PASSE-PASSE"

Le président UDI du département de la Côte d'Or, François Sauvadet, s'est dit quant à lui prêt à relever le défi. "On la prend tous les jours, la responsabilité, on l'assume", a-t-il dit à France Bleu Bourgogne. "J'assume le fait que la sécurité routière est notre priorité. Le bon sens l'a emporté".

De l'avis d'Arnaud Viala, cette décision de la majorité à 10 jours des élections européennes du 26 mai "est une entourloupe qui consiste à reculer sans dire que l'on recule. Mais les gens sont lucides, ils voient le tour de passe-passe."

Le député voit aussi un problème de faisabilité puisque les routes nationales ne seront pas concernées par les décisions des élus départementaux, créant des disparités sur le terrain.

Une difficulté également pointée par Christophe Ramond, porte-parole de l'Association Prévention routière, favorable à la limitation de la vitesse à 80 km/h.

"Mon association aurait souhaité qu'on laisse le temps à cette mesure de prouver son efficacité, qui devait être évaluée au bout de deux ans", a-t-il dit à Reuters. "Une mesure doit être lisible. Si une décision devait être prise pour une partie du réseau, cela doit se faire selon des mesures objectives de sécurité, via un audit des routes".

"Ensuite, on sait qu'il y a des risques particuliers sur les routes départementales, il y a des solutions techniques à mettre en place", a-t-il poursuivi, donnant comme exemple l'ajout de bornes rugueuses pour alerter les conducteurs et des aménagements pour éviter que la moindre sortie de route ne finisse dans un arbre ou un pilier de pont.

La réduction de la vitesse de 90 à 80km/h sur les routes secondaires - soit 40% du réseau routier français - est entrée en vigueur le 1er juillet 2018 et doit permettre selon l'exécutif de sauver jusqu'à 400 vies par an. Elle doit faire l'objet d'une évaluation en juillet 2020.

Sa suppression figure parmi les revendications des "Gilets jaunes" qui manifestent depuis le 17 novembre en France.

(Edité par Yves Clarisse)