Les Chypriotes turcs réclament une feuille de route précise

PARIS (Reuters) - Les négociations sur la réunification de Chypre, qui ont repris en février, patinent faute d'une feuille de route précise, a estimé mercredi le négociateur turc en chef, excluant l'idée de discussions sans fin avec la partie grecque. Les dirigeants des parties grecque et turque de l'île se sont mis d'accord le 11 février dernier sur une déclaration conjointe destinée à fixer le cadre des pourparlers visant à régler un conflit vieux de trente ans. Le communiqué commun "évoque la nécessité de trouver un accord global le plus rapidement possible (...), il parle de négociations structurées mais il ne nous donne pas les étapes, il n'y a pas de processus défini", a dit Kudret Özersay, en marge d'une visite à Paris, au cours de laquelle il a notamment été reçu au ministère des Affaires étrangères. "Nous ne savons pas quelle sera la prochaine étape, il n'y a pas de feuille de route sur laquelle nous nous sommes mis d'accord", a-t-il ajouté. "Nous sommes contre l'idée de discuter pour discuter. Nous ne voulons pas être prisonniers de ça". Une nouvelle rencontre entre le négociateur en chef grec Andreas Mavroyiannis et Kudret Özersay est prévue vendredi. Chypre est divisée depuis l'été 1974, lorsque l'armée turque est intervenue pour contrer un coup d'Etat mené à Nicosie par des officiers proches des colonels au pouvoir à Athènes. En 1983, la communauté turque a proclamé dans le nord de l'île une "République turque de Chypre du Nord" (RTCN) uniquement reconnue par Ankara. RESSOURCES NATURELLES La partie grecque, la seule reconnue par la communauté internationale, est quant à elle membre de l'Union européenne depuis 2004 et de la zone euro depuis 2008. Les discussions pour faire de Chypre un Etat formé de deux communautés autonomes sous la houlette d'un gouvernement central ont jusqu'à présent échoué. Le partage du pouvoir, la répartition des propriétés foncières et les revendications des milliers de personnes déplacées posent notamment problème. Tout accord devra être soumis à référendum dans les deux parties de l'île. Le statu quo n'est pas une solution acceptable, a souligné le négociateur en chef des Chypriotes turcs en estimant que la situation actuelle ne poussait pas à une réconciliation. "Si (en tant que Chypriote grec) je peux continuer à être traité comme un gouvernement légal, comme un Etat membre de l'UE, je peux continuer à explorer et exploiter les ressources, alors la question est 'pourquoi devrais je partager cette prospérité avec les Chypriotes turcs dans le cadre d'un accord global?'", a-t-il dit. En visite le 22 mai à Chypre, le vice-président américain Joe Biden a déclaré que la conclusion d'un accord était à portée de main. Il a également demandé l'ouverture de la ville fantôme de Varosha, ancienne destination touristique phare abandonnée depuis son évacuation en 1974. Une "mesure de confiance" rejetée par la partie turque qui ne conçoit la restitution de la ville que dans le cadre d'un accord global, a rappelé Kudret Özersay. La question chypriote a pris une nouvelle dimension depuis la découverte de gaz naturel entre Chypre et Israël. La conclusion d'un accord sur la réunification de l'île permettrait à Ankara d'être un point de passage privilégié vers l'Europe à l'heure où cette dernière cherche à réduire sa dépendance aux hydrocarbures russes en pleine crise ukrainienne. (Marine Pennetier, édité par Yves Clarisse)