Les autorités allemandes craignent des cyberattaques russes

Les chef des renseignements extérieurs allemands (BND) met en garde contre le risque de voir des hackers russes chercher à influencer le résultat des élections législatives programmées l'an prochain en Allemagne en diffusant de la désinformation pour fragiliser le processus démocratique. /Photo d'archives/REUTERS/Dado Ruvic

par Caroline Copley BERLIN (Reuters) - Le chef des renseignements extérieurs allemands (BND) met en garde contre le risque de voir des hackers russes chercher à influencer le résultat des élections législatives programmées l'an prochain en Allemagne en diffusant de la désinformation pour fragiliser le processus démocratique. Dans une interview publiée mardi par le Süddeutsche Zeitung, Bruno Kahl, qui a récemment pris la tête du BND, souligne qu'il y a de fortes raisons de penser que la Russie est à l'origine des piratages informatiques qui ont visé le parti démocrate pendant la campagne de la présidentielle américaine. "Nous avons la preuve que des cyberattaques sont lancées sans autre but que celui de créer une incertitude politique", déclare-t-il. "Leurs auteurs ont pour objectif de délégitimiser le processus démocratique en tant que tel, peu importe à qui cela profite." Le chef des renseignements intérieurs allemands (BfV) avait tenu des propos similaires à Reuters début novembre, soulignant que Berlin craignait que Moscou ne cherche à peser sur l'issue des élections allemandes en utilisant sa machine de propagande pour faire de la désinformation. Hans-Georg Maassen avait notamment cité l'exemple d'une fausse information largement relayée par les médias russes et les sites prorusses l'an dernier sur le soi-disant enlèvement et viol d'une jeune femme russe par des migrants à Berlin. La chancelière Angela Merkel a elle-même exprimé son inquiétude à ce sujet la semaine dernière en évoquant la possibilité que des programmes informatiques ("social bots") diffusent massivement des fausses informations sur les réseaux sociaux pour influencer l'opinion publique. L'inquiétude des autorités allemandes est d'autant plus grande qu'elles cherchent à contenir la montée de l'AfD, un parti anti-immigration qui plaide pour l'abandon des sanctions imposées à la Russie en raison de l'annexion de la Crimée et de son rôle dans le conflit en Ukraine. La configuration n'est pas sans rappeler celle de l'élection présidentielle américaine, où les hackers russes présumés ont concentré leurs attaques sur Hillary Clinton, adversaire d'un Donald Trump promettant de rétablir les relations avec Vladimir Poutine. Deutsche Telekom, premier opérateur allemand, a fait état d'une attaque contre ses principaux routeurs qui a perturbé les connexions de centaines de milliers d'utilisateurs lundi et a exprimé sa crainte que cela soit le prélude à des piratages de plus grande ampleur. "ATTAQUES INTELLIGENTES" Le Bureau allemand pour la sécurité informatique (BSI) a précisé mardi que des organisations criminelles se trouvaient derrière ces intrusions impliquant un logiciel malveillant du nom de Mirai. Ce "malware" infecte des réseaux domestiques afin de les transformer en relais contrôlables à distance qui seront ensuite utilisés dans des attaques à grande échelle du réseau. Angela Merkel et son ministre de l'Intérieur Thomas de Maizière ont affirmé n'avoir aucune information sur l'origine de ces opérations de piratage. De Maizière a toutefois précisé que l'Allemagne avait déjà subi par le passé des intrusions commises par des pirates et des organisations criminelles ainsi que par des Etats comme la Russie ou la Chine. "Beaucoup de choses indiquent que des attaques subies par l'Allemagne dans le passé, par exemple celle qui avait touché la chambre basse du Parlement, venaient de Russie", a déclaré le ministre. Thomas de Maizière a rappelé que son pays avait été la cible "d'attaques techniques" visant certains infrastructures mais également "d'attaques intelligentes" cherchant à manipuler l'opinion publique. Angela Merkel, née en ex-Allemagne de l'Est sous domination soviétique et tenante d'une ligne dure européenne envers Moscou tout en étant fragilisée en interne par sa politique d'accueil des migrants, apparaît une cible toute désignée de telles campagnes de désinformation. L'Allemagne est particulièrement visée au sein de l'Union européenne, estime Bruno Kahl. "Il y a ici une forme de pression s'exerçant sur le discours public et la démocratie qui est inacceptable", souligne-t-il. (Caroline Copley; Tangi Salaün et Pierre Sérisier pour le service français)