Les 10 phrases à retenir d'« Innocent », le dernier livre de Gérard Depardieu

Révélé dans "Les Valseuses" en 1974 et devenu une icône internationale du cinéma, Gérard Depardieu vient d’achever "Innocent", une autobiographie aux allures de pamphlet politique un peu misanthrope, teinté d’inquiétude et de souvenirs forts. On a passé en revue les anecdotes qui définissent le mieux cet homme que les Français adorent détester.

Les 10 phrases à retenir d'« Innocent », le dernier livre de Gérard Depardieu

Gérard Depardieu est un excessif. Il l’a toujours été et n’avait pas besoin d’un livre pour le prouver. Publiée cette semaine aux éditions Le Cherche-Midi, son autobiographie Innocent ne fait que dresser pour la postérité de l’acteur (et de ses fans les plus neurasthéniques) le constat déterminé et mélancolique que lui-même se fait de la France, à bientôt 67 ans. Ecrivant de manière simple et épurée, parfois drôle et souvent crue  – on n’en attendait pas moins de lui, il est nostalgique du cinéma des années 50 à 70 et d’une époque où le pouvoir omniprésent de l’argent et de la rentabilité était absent. Depardieu s’agrippe au fil rouge de l’innocence, pour dédouaner les citoyens français et lui-même face aux erreurs de notre société actuelle. Puisqu’on l’aime bien malgré ses constantes jérémiades, nous avons sélectionné dix extraits dInnocent qui nous ont fait sourire ou réfléchir.

1) "Avec Jean [Gabin], j’en ai appris des choses... À table, surtout. Moi qui ai toujours goûté à tout et jamais en petite quantité, là, j’étais servi. Ça commençait vers onze heures le matin, et c’était entrée, poisson, gibier, fromage, dessert. Et tout ça arrosé de bourgogne."

De Depardieu, on connaît beaucoup les frasques et l’insatiable appétit. Que l’on se rassure, il était pareil à 20 ans. Il se remémore les amitiés qui ont forgé sa jeunesse : Bertrand Blier, Pierre Brasseur ("que l’alcool rendait un peu connaud"), Paul Maurisse ou Jean Gabin. Autant d’idoles "toujours très distinguées" que l'acteur cherchait à impressionner en trainant avec. Une autre significative ?  "Pendant le tournage de L’Affaire Dominici à Sisteron, j’étais un peu sauvage encore, j’avais déraciné un panneau de sens interdit. Gabin m’avait fait la tronche : "Déjà qu’on est mal vu, si en plus tu commences comme ça...".

2) "À la fin des années 80, je suis allé à Calcutta avec Toscan pour rencontrer Satyajit Ray (…). C’est lui qui a eu l’idée d’ET. Le scénario s’est finalement perdu dans les tiroirs de la Columbia et quelques années plus tard, ET est sorti avec le succès que l’on sait. On ne l’a jamais prévenu de la mise en chantier du projet, il n’a touché aucun droit."

Parmi ses rencontres cinéphiles marquantes, on trouve celle de ce réalisateur indien qui avait adapté sous forme de script l’un de ses propres récits, L’Ami de Bankubabu, publié dans les années 1960. Il s’agit de l’histoire d’un extra-terrestre devenant ami avec un enfant, alors qu’à cette époque, les extra-terrestres étaient considérés comme menaçants.

3) "Je mets les Guy Mollet et autres René Coty dans le même sac que Staline ou Hitler. L’esprit était différent mais le résultat est de même nature. L’innocence sacrifiée au profit du pouvoir." 

Quand il assassine la politique française, Depardieu ne mâche pas ses mots. Véritable diatribe contre la guerre d’Algérie, le 3ème chapitre est aussi une harangue de l’acteur contre l’exercice du pouvoir qu’il exècre. Craignant que les valeurs de la République française ne s’éteignent, le héros de Cyrano de Bergerac croit encore – heureusement – à la fraternité. Son coup de gueule s’étend au chômage, à la drogue et au désarroi qui pousse les gens à se tourner vers le FN ; on recommande aux jeunes de ne chercher dans ce livre un espoir pour l’avenir (enfin si : on a l’amour, c’est Gégé qui le dit).

4) "On m’a reproché mon amitié avec Castro, mais Castro, lui, au moins, il a su nourrir son peuple, il lui a donné des hôpitaux, une instruction, une culture. Ce qui est quand même la base, le minimum du respect de soi."

Même topo que précédemment. Depardieu est en colère contre les gouvernements français successifs, et se plait à leur trouver de meilleurs exemples de pouvoir.

5) "Pendant longtemps, je n’ai pas voulu aller en Russie. Le stalinisme et sa descendance ne m’attiraient pas. (...) J’ai franchi le pas quand j’ai entendu le mot perestroïka."

Amateur de la culture russe depuis longtemps, Depardieu est devenu citoyen russe en janvier 2013. L’un des sept chapitres est presque entièrement consacré à la bienveillance qu’il voue à Poutine ("On me reproche de fréquenter Poutine, mais j’aurais trouvé beaucoup plus malsain de fréquenter les Kennedy et leur entourage") et son peuple de "fourbes, inconstants, menteurs" dont il adore "la folie, la violence, les paradoxes". Ou peut-être tout simplement l’excès, qu’il chérit lui-même à sa façon ?

6) "L’extrémisme s’y entend pour détruire mais il ne crée jamais rien."

L'acteur déplore les destructions que les groupes terroristes intentent aux cultures séculaires, de la cité de Palmyre aux Bouddhas de Bâmiyân. "On a beau avoir conçu les plus beaux textes sacrés, la Bible, le Coran, la Torah, il y a toujours un moment où l’instinct de destruction revient (...)" écrit-il dans ce livre antérieur aux attentats du 13 novembre.

7) "Charlie Hebdo, j’en ai souvent fait la couverture, et toujours dans le même sens, c’est-à-dire l’abruti, l’ivrogne plein de vodka qui tombe de son scooter. C’est pas grave parce que ça aussi, ça fait partie de moi."

Ouvert à la caricature qu’il trouve "saine", Depardieu regrette la confusion entre religion et politique qui s’est amplifiée après les attentats du 7 janvier. A cela s’ajoute un traitement de l’information par les médias qu'il maudirait presque, y compris "cette manie qui vient de l’Amérique, de publier en première page des photos de cadavres sans aucun respect pour celui qui est mort."

8) "J’ai fréquenté la mosquée pendant deux ans. Je faisais les cinq prières par jour."

Né dans une famille du Berry catholique et non–baptisé faute d’argent au sein de la famille, le héros du film Napoléon s’est penché sur plusieurs pratiques spirituelles, de la méditation des moines Shaolin au christianisme (« le curé m’avait foutu à la porte du catéchisme parce qu’on a dit que j’avais dessiné une femme à poil, que j’avais l’esprit trop mal tourné »), en passant par l’islam, qu'il a souhaité pratiquer après un concert d’Oum Kalsoum en 1967.

9) "Les alcooliques finissent par boire en cachette, ils ont honte, ils nient leur besoin. Je ne suis pas un alcoolique : quand je bois un coup, je ne me cache jamais."

Concernant l’alcool, Gérard Depardieu plaide l’excès de vie plutôt que le besoin. Arguant qu’il passe désormais de longues périodes sans boire, il ajoute tout de même "qu’il distille moins bien les lendemains qu’avant". Avec humour, on vous dit.

10) "Être dépendant de l’alcool seulement, c’est d’une tristesse totale ! Il y a la drogue, il y a le cul, il y a le saucisson à l’ail, il y a le jarret de porc, il y a saint Augustin !"

Celle-là, c’est cadeau. Pour la Belle Epoque.