L'entreprise de reconquête de Nicolas Sarkozy mise à mal

Les embûches judiciaires parsèment le parcours du combattant de Nicolas Sarkozy depuis son retrait en trompe-l'oeil après sa défaite de 2012, mais sa dernière mise en examen en date est un frein considérable à ses projets de reconquête.. /Photo prise le 2 juillet 2014/REUTERS/

par Sophie Louet PARIS (Reuters) - Les embûches judiciaires parsèment le parcours du combattant de Nicolas Sarkozy depuis son retrait en trompe-l'oeil après sa défaite de 2012, mais sa dernière mise en examen en date est un frein considérable à ses projets de reconquête. L'ancien président n'a toutefois guère laissé de doutes mercredi soir sur ses intentions, annonçant qu'il déciderait "fin août, début septembre" s'il se porte candidat à la présidence de l'UMP, premier pas vers la présidentielle de 2017. "J'aime passionnément mon pays et je ne suis pas un homme qui se décourage devant les vilenies et les manipulations politiques", a-t-il dit dans une interview à Europe 1 et TF1, quelques heures après sa mise en examen. "J'ai longuement réfléchi à ces questions, la question de savoir si on renonce ne se pose pas pour moi", a-t-il ajouté en estimant qu'il avait des "devoirs" envers les Français. Pour Nicolas Sarkozy, sa mise en examen est le résultat d'une "instrumentalisation politique" de la justice par le pouvoir socialiste et des juges de gauche. "La situation était suffisamment grave pour que je dise aux Français ce qu'il en était de l'instrumentalisation politique d'une partie de la justice aujourd'hui", a-t-il dit en se déclarant totalement innocent. "Dans notre pays (...), il y a des choses qui sont en train d'être organisées." L'ancien chef de l'Etat, qui avait obtenu un non-lieu en octobre 2013 après avoir été mis en examen dans le dossier Bettencourt, avait déjà dénoncé le 20 mars, dans Le Figaro, des méthodes dignes de la Stasi, la police politique de l'ex-RDA. "ÇA VA DURER" Un proche prévient : "Ils pensent le mettre à terre, mais ça lui donne encore plus la niaque". "Ils", ce sont les magistrats, cibles de Nicolas Sarkozy durant son mandat et accusés de partialité pour l'avoir mis en examen pour corruption active, trafic d'influence actif et recel de violation du secret professionnel au terme d'une garde à vue de près de 16 heures. Ces chefs sont passibles d'une peine maximale de dix ans de prison, d'une peine complémentaire de déchéance des droits civils et civiques, d'interdiction d'exercer une fonction publique ou d'exclusion provisoire des listes électorales. Conscient de cet obstacle, Nicolas Sarkozy compte donc se battre sur le front judiciaire. Sont notamment mis en cause la validité des écoutes versées au dossier, mais aussi le statut de l'une des juges d'instruction, Claire Thépaut, membre du Syndicat de la magistrature, classé à gauche. "Dans n'importe quel autre pays démocratique un tel juge n'aurait pu s'emparer de ce dossier", a estimé sur BFM TV le député UMP sarkozyste Daniel Fasquelle. Sur le plan procédural, "les initiatives à prendre sont nombreuses, fondées", a expliqué sur i>Télé Me José Allegrini, avocat d'un autre protagoniste du dossier, le haut magistrat Gilbert Azibert. "Vous verrez que dans ce dossier il n'y aura rien. Mais ça va durer", a précisé Paul-Ambert Iweins. C'est tout le problème pour Nicolas Sarkozy. Une élection à la présidence de l'UMP les 29 novembre et 6 décembre, une primaire à droite en 2016 : comment s'opposer à des rivaux, au premier rang desquels Alain Juppé - lui-même condamné en 2004 - et François Fillon, avec un tel "boulet" qui n'est vraisemblablement pas la dernière de ses entraves? "PLUS DÉTERMINÉ QUE JAMAIS" Même si les deux anciens Premiers ministres ont invoqué mercredi le principe de la présomption d'innocence, leurs partisans respectifs conviennent, parfois non sans déplaisir, que l'horizon s'assombrit pour Nicolas Sarkozy. L'irruption de l'affaire Bygmalion, un système de fausses factures présumées pour financer la campagne présidentielle de 2012, et la démission de Jean-François Copé de la direction de l'UMP l'avaient déjà contraint à réviser ses plans et convaincu de la nécessité de prendre le parti avant l'estocade de 2017. L'opération "Mains propres" entreprise à l'UMP, où s'instille un antisarkozysme avéré, s'accommoderait mal d'un "nettoyeur" en chef mis en examen. "Si certains déclarent d'un côté leur amitié à Nicolas, tandis qu'ils continuent de l'autre à tout faire pour empêcher son retour, mes proches et moi-même lui réaffirmons notre soutien", a twitté Jean-François Copé. Si des élus sarkozystes concèdent que ces obstacles judiciaires et techniques - qui pourraient durer quelque deux ans dans le cas précis du trafic d'influence présumé, note-t-on dans les milieux judiciaires - sont malencontreux, d'autres y voient au contraire le signal ultime de l'assaut. "S'il avait des doutes sur sa candidature à la présidence de l'UMP, il sera aujourd'hui encore plus déterminé que jamais", a jugé sur i>Télé Claude Goasguen. Des fidèles veulent croire aussi que l'image de victime dont jouit Nicolas Sarkozy auprès des militants les plus fervents et les plus "bonapartistes" de l'UMP constituera un avantage tactique, que le politologue Thomas Guénolé compare à "celui d'un Silvio Berlusconi". Poursuivi dans une vingtaine d'affaires judiciaires, "il Cavaliere" détient le record de longévité à la présidence du Conseil italien. Plus de neuf ans. (Edité par Yves Clarisse)