De la lenteur "revendiquée" à "l'accélération": le gouvernement change de ton sur la vaccination

En début de semaine, les membres du gouvernement assumaient la lenteur de la campagne de vaccination. Ce vendredi, il n'est plus question que de "montée en puissance" et d'"accélération".

Depuis dimanche dernier, observateurs scientifiques, commentateurs politiques et opposition critiquent le rythme adopté par la vaccination en France. Le gouvernement a d'abord paru assumer cette campagne allant piano, justifiant cette allure par la volonté de vacciner directement dans les EHPAD et la nécessité de recueillir le consentement des patients. Pourtant, autour de ce Nouvel an, on assiste à un revirement: désormais l'exécutif conteste toute lenteur excessive et promet d'embrayer pour que les choses aillent plus vite.

Emmanuel Macron contre les "lenteurs injustifiées"

Le changement de ton et de rhétorique est sensible. Jeudi soir, le président de la République a donné sa parole aux Français au moment de leur adresser ses vœux:

"Je ne laisserai pas, pour de mauvaises raisons, une lenteur injustifiée s’installer. Chaque Français qui le souhaite doit pouvoir se faire vacciner, de manière sûre et dans le bon ordre, en commençant par ceux qui présentent le plus de risque."

Officiellement, rien ne bouge. L'objectif de 15 millions de vaccinés d'ici l'été prochain reste l'horizon fixé par le gouvernement. Cependant, le haro prononcé par Emmanuel Macron contre les délais abusifs accompagne un authentique basculement au sommet de l'État. Mardi, durant le dernier conseil de Défense, Emmanuel Macron a ainsi demandé à certains de ses interlocuteurs d'être plus présents dans les médias, ciblant Olivier Véran, son ministre de la Santé, Gabriel Attal, le porte-parole du gouvernement, et le professeur Alain Fischer, chargé de coordonner la campagne de vaccination.

Gabriel Attal maintient l'objectif

Mercredi sur notre antenne, Gabriel Attal a d'ailleurs soutenu que d'ici à la fin février, la France compterait un million de vaccinés: "On a un objectif d’un million de personnes vaccinées qui sont des personnes à risque, dans cette première phase, et cet objectif sera tenu".

Olivier Véran ne se renie pas mais ne "revendique" plus

Dès mardi soir, Olivier Véran intervenait quant à lui au journal de 20h de France 2. Et force est de constater qu'entre cette apparition et ses tweets, jeudi soir, en prélude à l'allocution présidentielle, la couleur de son propos a évolué.

"Nous avons fait en France un autre choix que je revendique qui est de nous appuyer sur les médecins, les professionnels de santé, de vacciner les personnes âgées en Ehpad et ne pas les faire se déplacer. Cela prend plus de temps au démarrage. Ce délai, je l'assume, il est même revendiqué", a-t-il d'abord appuyé sur le service public.

Sur Twitter, le ministre s'est fait plus conciliant. "Certains d'entre vous questionnent le rythme de la vaccination #COVID19 en France, quelques jours après le lancement européen. Certains pays ont déjà beaucoup vacciné, d'autres, comme la Belgique ou les Pays-Bas, n'ont pas encore démarré. Soyez rassurés. La campagne vaccinale va bientôt prendre de l'ampleur. Le vaccin est une chance historique d'en finir avec cette pandémie et retrouver une vie normale. Nous ne passerons pas à côté", a-t-il commencé.

Olivier Véran a ensuite enchaîné: "Nous avons décidé, en parallèle, d'accélérer la protection des publics prioritaires. Dès lundi, les soignants de 50 ans et plus qui le souhaitent, pourront se faire vacciner dans les centres disposant déjà de vaccins." "De plus, avant la début février, de premiers centres de vaccination ouvriront en ville, pour commencer à vacciner les personnes âgées de 75 ans et plus, puis les 65 ans et plus, etc", a-t-il enchaîné.

Ce vendredi, sur notre plateau, Emmanuelle Wargon a quant à elle afffirmé: "La campagne a démarré, ça va monter en puissance vite".

Pression politique

Cette volte-face peut s'expliquer par deux facteurs. En premier lieu, la pression politique n'a pas cessé sur le gouvernement depuis dimanche. Unanimement, les oppositions se sont entendues entre elles pour appeler le gouvernement a accélérer la manoeuvre. Ce vendredi, Olivier Faure, premier secrétaire du PS et député élu en Seine-et-Marne, a encore insisté: "Nous demandons que la France se mette au même niveau que ses voisins européens, qui ont tous fait la démonstration que l’on pouvait mettre des chaînes logistiques très longtemps en avance".

Les députés LR ont quant à eux montré une attitude moins amène. Dès mercredi, emmenés par Damien Abad, président du groupe, et Éric Ciotti, député élu dans les Alpes-Maritimes et figure du mouvement, ils ont réclamé l'audition prochaine d'Olivier Véran devant la mission d'information sur la gestion de l'épidémie. La sémantique nouvelle du gouvernement lui permettra donc peut-être de couper court à ces menées.

Surtout, une institution scientifique et médicale éminente a exprimé publiquement sa désapprobation. Ainsi, Pierre Bégué, membre de l'Académie nationale de médecine, a lancé jeudi sur BFMTV: "Nous sommes un peu inquiets de cette lenteur dans la mesure où notre seul recours pour faire face à la pandémie pour le moment est la vaccination". Il a poursuivi:

"On est quand même un petit peu étonné que dans notre pays - qui est un des pays initiateurs de la vaccination - on en soit arrivé à avoir tellement peur de faire un vaccin qu'on s'entoure de multiples précautions qui allongent terriblement le temps vaccinal".

Article original publié sur BFMTV.com

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