L'Ena se défend face à sa potentielle suppression

L'Ecole nationale d'administration (Ena), qu'Emmanuel Macron envisagerait selon certains médias de supprimer dans le cadre de ses réponses à la crise des "Gilets jaunes", a mis en avant mercredi la mixité de sa promotion actuelle, qui compte selon elle 26% d'élèves boursiers. /Photo d'archives/REUTERS/Vincent Kessler

PARIS (Reuters) - L'Ecole nationale d'administration (Ena), qu'Emmanuel Macron envisagerait selon certains médias de supprimer dans le cadre de ses réponses à la crise des "Gilets jaunes", a mis en avant mercredi la mixité de sa promotion actuelle, qui compte selon elle 26% d'élèves boursiers.

"Dans la promotion actuelle de l'Ena, 26% d’élèves boursiers de l’enseignement supérieur, 14% d’élèves petits-enfants d’ouvrier, 9% petits-enfants d’agriculteur, 12% petits-enfants d’artisan ou commerçant, 12% petits-enfants d’employé, 56% d’élèves ont fait leurs études secondaires en région", écrit l'école strasbourgeoise sur son compte Twitter.

Créée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale par le général de Gaulle, cette école avait pour vocation initiale de démocratiser l’accès à la haute fonction publique et de professionnaliser la formation des hauts fonctionnaires.

Mais près de 75 ans après, l’école strasbourgeoise, qui accueille chaque année des milliers d’élèves et d’auditeurs, continue d’être accusée par ses détracteurs de contribuer à la reproduction des élites et de former des hauts fonctionnaires déconnectés des réalités du terrain.

Selon le texte de l'allocution prononcée par Emmanuel Macron lundi soir mais dont la diffusion a été reportée sine die, le chef de l'Etat - lui-même énarque - aurait prévu d'annoncer sa suppression, une demande apparue dans les contributions au "grand débat" organisé en réponse à la crise des "Gilets jaunes".

L’Elysée a fait savoir qu’elle ne confirmait ni ne commentait les fuites dans la presse, précisant que le chef de l’Etat s’exprimerait "en temps voulu".

"L'Ena ne doit pas être le bouc émissaire de la crise sociale et politique que la France connaît actuellement", a mis en garde Daniel Keller, président de l’association des anciens élèves de l'Ena, sur France Inter mercredi. "L'Ena ne peut pas porter sur ses épaules le fardeau de toutes les inégalités sociales, qui commencent à l'école maternelle."

"COUP DE PIED DANS LA FOURMILIÈRE"

"Certes il y a des améliorations à opérer et d'ailleurs l'école s'y attelle, puisqu'il y a d'ores et déjà des classes préparatoires intégrées qui cherchent à permettre à des jeunes issus des quartiers difficiles, de ces banlieues abandonnées par la République depuis de nombreuses décennies, de passer les concours de la fonction publique", a-t-il souligné.

Interrogé récemment sur la perspective de la suppression de l'école strasbourgeoise, un énarque et proche conseiller d'Emmanuel Macron avait plaisanté : "Du moment qu’on fusille pas tous les énarques au coin de la rue… ou laissez-moi deux jours pour fuir!".

Selon la tête de liste de la République en marche (LaRem) pour les élections européennes et directrice de l'Ena de 2012 à 2017, Nathalie Loiseau, Emmanuel Macron réfléchit "depuis longtemps" à une façon de réformer l'école. Elle-même voulait de nombreux changements.

"Quand je suis partie diriger l'Ena, c'était avec une envie de réforme, il y avait plein de choses qui m'agaçaient et je m'étais dit : 'je vais essayer de faire ce que je peux'", a-t-elle dit mercredi sur CNews. "Je sais ce que j'ai pu faire et je sais à quoi je me suis heurtée. Il y avait un manque de volonté politique."

"Il faut donner un grand coup de pied dans la fourmilière", a-t-elle ajouté. "Il y a quand même un certain conservatisme de l'élite administrative auquel on se heurte à l'Ena."

"Il y a une pensée française qui consiste à se dire: 'puisque j'ai été l'élite de la nation, je sais'", a-t-elle poursuivi. "Moi, je ne leur ai jamais dit qu'ils étaient l'élite de la nation quand ils arrivaient. Je leur disais : 'Bienvenue. Maintenant, et pour le reste de votre vie, vous aurez plus de devoirs que de droits.'"

Il est en revanche encore "important", selon elle, de "bien former ceux qui auront des responsabilités sur les politiques publiques".

(Marine Pennetier, avec Jean-Baptiste Vey et Caroline Pailliez, édité par Sophie Louet)