La droite reconquiert le Sénat, où le FN fait son entrée

par Sophie Louet PARIS (Reuters) - L'opposition de droite a reconquis dimanche le Sénat, après une parenthèse de trois ans à gauche inédite sous la Ve République, tandis que le Front national fait son entrée à la haute assemblée pour la première fois de son histoire avec deux élus. Les 158.159 grands électeurs (dont 95% de conseillers municipaux) étaient convoqués pour élire 178 des 348 sénateurs. La large victoire de l'UMP et des centristes de l'UDI aux élections municipales a eu les effets mécaniques attendus sur la composition de la chambre haute, mais la "vague bleue" espérée à droite n'est pas advenue, au vu des résultats partiels. L'avance de l'opposition de droite est de 25 sièges, a déclaré le sénateur UMP Roger Karoutchi, alors que la majorité sortante de gauche était de six sièges. "Il y a un rejet complet de la politique socialiste", notamment s'agissant de la réforme territoriale, a dit l'élu des Hauts-de-Seine sur BFM TV. Le secrétaire général de l'UMP, Luc Chatel, s'est réjoui au "Grand Jury" RTL-Le Figaro-LCI d'"une défaite cinglante pour François Hollande", d'"un nouveau vote sanction pour le gouvernement". L'ancien ministre UMP François Baroin (76,58%), qui soutient Nicolas Sarkozy, fait son entrée à la haute assemblée après cinq mandats de député dans le département de l'Aube. Les centristes de l'UDI réalisent une percée (dix sièges selon la sénatrice Chantal Jouanno), un résultat qui conforte leur volonté d'indépendance à l'égard du grand rassemblement qu'appelle de ses voeux Nicolas Sarkozy, candidat à la présidence de l'UMP. "L'opposition nationale ne peut pas être unijambiste. L'idée de nous rassembler dans je ne sais quel 'melting-pot' n'a pas de sens", a déclaré le député UDI Jego. Après la déroute des élections municipales et des européennes, la gauche subit un troisième revers, mais pas dans les proportions redoutées. Ce résultat reste somme toute un signal négatif pour François Hollande à la moitié de son mandat et à l'heure du retour de Nicolas Sarkozy. Les dirigeants socialistes se sont employés dimanche à en minimiser la portée symbolique. "PAS D'EFFET SARKOZY" Au rang des symboles, le président du Parti radical de gauche (PRG), Jean-Michel Baylet (sortant), est battu dans le Tarn-et-Garonne, ainsi que Bernard Combes en Corrèze, fief du chef de l'Etat. Le maire de Tulle, conseiller à l'Elysée, est battu (46,21%) par l'UMP Claude Nougein (52,69%). "Il n'y a pas d'effet Sarkozy d'un certain point de vue dans cette élection, la gauche résiste", a affirmé Jean-Christophe Cambadélis à la presse. "Nous perdons une vingtaine de sièges, on en gagne six. (...) On nous annonçait une Bérézina, elle n'est pas là", a ajouté le premier secrétaire du Parti socialiste. Le sénateur-maire UMP de Marseille Jean-Claude Gaudin, réélu dimanche, a battu en brèche cette analyse. "La vague existe, mais ça ne pouvait pas être un tsunami. (...) Vous ne pouviez pas avoir de raz-de-marée, puisque les bons gains s'enregistrent en deux fois, la prochaine fois en septembre 2017", a-t-il commenté sur BFM TV. Le Sénat est renouvelé par moitié tous les trois ans. Jean-Claude Gaudin a accusé les socialistes d'avoir "permis et facilité l'élection de Stéphane Ravier". Le maire du VIIe secteur de Marseille fait entrer le Front national au Sénat au côté de David Rachline, le maire de Fréjus, qui devient à 26 ans le plus jeune élu de la haute assemblée. LE FN AU-DELÀ DE SES ESPÉRANCES Marine Le Pen a salué des résultats qui "dépassent nos espérances". Le présidente du FN a relevé sur i>Télé "la capacité du FN-Rassemblement Bleu Marine à attirer des grands électeurs non élus sur [ses]listes". "Nous ne serons pas trop de deux pour faire bouger le mammouth du Sénat. (...) Il n'y a plus qu'une seule porte à pousser, celle de l'Elysée", a déclaré Stéphane Ravier. "Nous allons imposer un certain nombre de débats au Sénat" pour porter la voix des "Français abandonnés", a ajouté David Rachline sur i>Télé. L'opposition UMP-UDI et le PS ont relativisé la victoire du FN. Une percée "marginale", selon le sénateur UMP Gérard Longuet. "Que le Front national puisse avoir de l'audience en France, c'est toujours une déception, maintenant il y a une réalité politique", a déclaré Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'Etat aux Relations avec le Parlement. La gauche disposait avant le scrutin d'une majorité de six voix au Sénat, une majorité très virtuelle puisque le Front de gauche, les écologistes et quelques radicaux votaient souvent contre les projets de loi présentés par le gouvernement. La victoire de la droite devrait encore un peu plus compliquer les choses et ralentir les débats même si constitutionnellement l'Assemblée nationale a le dernier mot. Une autre bataille va commencer dans les salons feutrés du Sénat pour l'élection de son président. Outre Didier Guillaume et la centriste Nathalie Goulet, trois UMP, les mêmes qu'en 2008, briguent le "plateau" : le "filloniste" Gérard Larcher, Jean-Pierre Raffarin, soutenu par Nicolas Sarkozy, et Philippe Marini. Le groupe UMP organisera le 30 septembre une "primaire" interne afin de désigner son candidat. Gérard Larcher, qui présida le Sénat de 2008 à 2011, est donné favori. Les sénateurs se réuniront le 1er octobre pour élire leur président, protocolairement le deuxième après le président de la République, qu'il remplace en cas de vacance du pouvoir, et avant le Premier ministre. (Sophie Louet)