Le réacteur d'Arak au centre des débats sur le nucléaire iranien

par Fredrik Dahl et Parisa Hafezi VIENNE (Reuters) - Le projet de réacteur nucléaire d'Arak, susceptible de produire le plutonium indispensable à la fabrication de l'arme atomique, a été au centre de deux jours de discussions mardi et mercredi à Vienne entre l'Iran et les grandes puissances, a-t-on appris de source diplomatique. La prochaine séance sera organisée du 7 au 9 avril, toujours dans la capitale autrichienne, a déclaré Catherine Ashton, porte-parole de la diplomatie européenne, qui a précisé que les dernières discussions avaient été "substantielles". Le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammed Javad Zarif, s'était auparavant dit "optimiste" sur la conclusion d'un accord avec le groupe P5+1 avant la date butoir du 20 juillet. Un délégué américain a cependant estimé à l'issue des pourparlers qu'il serait très difficile de surmonter les divergences persistantes avec l'Iran sur le dossier de l'enrichissement d'uranium. "Il y a un fossé (sur la question de l'enrichissement) et il faudra travailler dur pour parvenir à un accord", a-t-il dit, ajoutant que les positions restaient tout aussi éloignées sur le réacteur d'Arak. Les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l'Onu (Etats-Unis, Russie, Chine, France et Grande-Bretagne) et l'Allemagne mènent des discussions avec les Iraniens pour parvenir à un accord sur l'encadrement du programme nucléaire de la République islamique. Les deux camps sont convenus en novembre dernier à Genève de certaines restrictions dans le programme iranien controversé, en échange d'un assouplissement des sanctions internationales contre Téhéran. Cet accord provisoire est entré en vigueur le 20 janvier pour une période de transition de six mois s'achevant le 20 juillet, au cours de laquelle doivent être précisés les détails nécessaires à un règlement définitif d'un contentieux vieux de plus de dix ans. Deux questions dominent les débats: le niveau d'enrichissement d'uranium que peut conduire l'Iran et l'avenir du réacteur à eau lourde d'Arak, que les Occidentaux ne veulent pas voir produire du plutonium à des fins militaires. SOUS L'OEIL DES FAUCONS Les Etats-Unis ont appelé Téhéran à renoncer purement et simplement à ce projet de réacteur, ou à la rigueur à revoir fortement à la baisse ses capacités, mais la République islamique traîne les pieds. "Le but des négociations en cours, pour le moment, n'est pas de résoudre définitivement les questions en suspens mais de rapprocher les positions des deux parties", a souligné, prudent, un diplomate à Vienne. Les pays occidentaux veulent s'assurer que le réacteur d'Arak, toujours en construction, sera modifié de manière à écarter tout risque de prolifération nucléaire. L'Iran affirme que le futur réacteur est uniquement destiné à produire des radio-isotopes à des fins de recherche médicale. Pour rassurer les Occidentaux et les Israéliens, l'une des solutions serait de réduire la capacité en mégawatts du réacteur d'Arak et de modifier son mode d'approvisionnement. Interrogé sur les chances d'arriver à un accord avant le 20 juillet, le chef de la délégation iranienne, le ministre des Affaires étrangères Mohammed Javad Zarif, s'est dit "optimiste". Selon l'agence de presse iranienne IRNA, Zarif a annulé lundi soir le dîner traditionnellement prévu à la veille de l'ouverture des discussions en raison du comportement "non diplomatique" de Catherine Ashton lors de sa visite il y a dix jours à Téhéran, où elle a rencontré des militants des droits de l'homme. D'après un haut responsable iranien, le guide suprême de la République islamique, Ali Khamenei, a néanmoins donné carte blanche aux négociateurs pour apporter aux Occidentaux des garanties sur le caractère purement civil du programme nucléaire de Téhéran. "Mais la ligne rouge est la fermeture de tout site nucléaire et l'arrêt de l'enrichissement", a ajouté ce responsable. "Les discussions vont devenir de plus en plus difficiles car les faucons à Téhéran surveillent de très près les discussions". Les ultraconservateurs iraniens, puissants au sein du clergé et de l'appareil de sécurité, sont méfiants vis-à-vis de la politique d'ouverture engagée par le président Hassan Rohani depuis sa prise de fonction en août 2013. A Washington, les "faucons" américains font également pression, notamment au Sénat, pour interdire à l'Iran d'enrichir de l'uranium. (Avec Justyna Pawlak et Louis Charbonneau; Pierre Sérisier, Tangi Salaün et Guy Kerivel pour le service français)