Le plan "Power Africa" d'Obama tarde à électrifier le continent

par Joe Brock JOHANNESBURG (Reuters) - En annonçant à l'été 2013 un plan de sept milliards de dollars pour doubler la production d'électricité en Afrique, Barack Obama s'était attiré les applaudissements de la foule venue l'écouter au Cap. Mais les premiers résultats du programme "Power Africa" sont en deçà des attentes. Ce plan le plus ambitieux de la présidence Obama à destination de l'Afrique vise à accroître de 10.000 mégawatts la production électrique du continent et raccorder au réseau électrique 20 millions de foyers et d'entreprises supplémentaires. Les 48 pays d'Afrique sub-saharienne, qui représentent une population totale de 800 millions d'habitants, ne produisent guère plus d'électricité que l'Espagne, et ses 46 millions d'habitants. Selon l'agence fédérale USAid, qui coordonne le plan Power Africa, 70% de la population d'Afrique sub-saharienne n'a pas accès à l'électricité. D'après le rapport annuel d'activités, les objectifs à cinq ans de Power Africa ont déjà été remplis à 25%. Mais des sources impliquées dans le programme disent que Power Africa ne quantifie pas ses progrès en recensant la production effective de mégawatts supplémentaires approvisionnant les réseaux, mais en tenant compte des promesses de production future rendue possible par sa médiation. De plus, des projets facilités par le programme mais qui étaient déjà dans les tuyaux avant le lancement de Power Africa sont comptabilisés. "Dire que l'on a atteint ses objectifs sur des projets qui ne verront peut-être jamais le jour ou en prenant en compte des projets pré-existants depuis des années me rend mal à l'aise", confie une source qui évoque une pratique "trompeuse". Un autre responsable de Power Africa enfonce le clou : "Nous parlons de mégawatts sur le papier, pas approvisionnant les réseaux électriques. C'est vraiment ce qu'Obama avait promis ?" CONFUSION SUR LA MISSION DE POWER AFRICA ? On ignore par ailleurs quelle proportion des sept milliards de dollars promis par Obama a d'ores et déjà servi au financement de projets et l'imprécision entoure la matérialisation des 20 milliards d'investissements privés censés accompagner l'effort public américain par un "effet de levier". Les protocoles d'accord signés cette année par Power Africa avec les six Etats désignés comme pays-cibles - Tanzanie, Nigeria, Kenya, Ethiopie, Liberia et Ghana - comportent moins de 100 millions de dollars d'engagements financiers spécifiques, la plupart à destination de sociétés de conseils et de consultants. La firme américaine Tetra Tech a ainsi décroché un contrat de 64 millions de dollars tandis que l'Africa Governance Initiative de l'ancien Premier ministre britannique Tony Blair a obtenu un contrat de trois millions de dollars. Coordinateur du programme, Andrew Herscowitz explique qu'une certaine confusion a entouré la mission dévolue à Power Africa. L'objectif, ajoute-t-il, a toujours été d'"accélérer des transactions" et non de verser de l'aide. "Dans certains projets, nous devons beaucoup nous impliquer, dans d'autres, notre intervention est très limitée", dit-il. Face aux accusations de "récupération" de projets pré-existants, Andrew Herscowitz met deux dossiers en avant qui, dit-il, "n'existaient pas avant Power Africa": un projet d'exploitation de la biomasse au Kenya (d'une capacité attendue à 30 mégawatts) et NextGen, en Tanzanie (une centrale solaire qui doit produit à terme 5 mégawatts). Sur le site internet du projet NextGen, il est toutefois fait mention d'un accord signé en janvier 2013, soit six mois avant le discours d'Obama au Cap. De sources fédérales américaines, on note que rien ne garantit que Power Africa sera prolongé au-delà de son mandat initial de cinq ans. (Henri-Pierre André pour le service français)