Manifestation nationaliste à Kiev, un garde national tué
par Natalia Zinets et Richard Balmforth KIEV (Reuters) - Un membre de la Garde nationale ukrainienne a été tué et près de 90 autres ont été blessés, dont quatre grièvement, lundi par des jets de grenades lors d'une manifestation nationaliste devant le Parlement de Kiev. A l'issue d'une séance houleuse, les députés de la Rada venaient de voter un projet de décentralisation accordant une plus grande autonomie aux régions séparatistes de Donetsk et de Louhansk, dans l'est du pays, aujourd'hui en grande partie contrôlées par les rebelles prorusses. Le Premier ministre Arseni Iatseniouk et son ministre de l'Intérieur Arsen Avakov ont accusé le principal mouvement nationaliste ukrainien, Svoboda ("Liberté"), d'être à l'origine des violences devant le Parlement. Arseni Iatseniouk a accusé "des forces politiques prétendument pro-ukrainiennes de chercher à ouvrir un second front dans le centre du pays alors que la Russie et ses bandes tentent de détruire l'Etat ukrainien dans l'Est". Un conseiller du ministre de l'Intérieur a annoncé sur Facebook qu'un garde national âgé de 25 ans avait succombé à ses blessures. "En plus d'avoir recours à des grenades, les provocateurs utilisaient des armes à feu", a-t-il dit. Le président Petro Porochenko doit s'adresser à la nation dans la journée. Lors du vote de lundi, en première lecture, 265 députés de la Rada se sont prononcés en faveur du projet de loi de décentralisation -- 39 de plus que ce qui était nécessaire à ce stade pour que le texte ne soit pas enterré. PROJET CONTESTÉ A la mi-juillet, la Rada avait déjà appuyé un projet préliminaire allant dans ce sens. Le texte a été soumis par le président Porochenko, sous la pression des dirigeants occidentaux, dans le cadre de l'accord de cessez-le-feu conclu en février à Minsk, la capitale biélorusse. Si ce projet de loi n'est pas jugé contraire à la Constitution, il devra recueillir les voix d'au moins 300 des 450 députés de la Rada pour être adopté lors de son examen final. De nombreux membres de la coalition au pouvoir, notamment l'ancien Premier ministre Ioulia Timochenko, se sont violemment opposés à cette réforme, qui pourrait avoir du mal à recueillir les 300 voix nécessaires à son adoption définitive. Les opposants à ce texte jugent qu'il affaiblit l'Ukraine dans sa lutte contre les séparatistes pro-russes, alors que la trêve conclue en février a été régulièrement violée sur le terrain. "L'adoption de cette loi permettra à nos partenaires occidentaux de faire pression sur la Russie pour qu'elle applique trois éléments-clés de l'accord de Minsk -- le cessez-le-feu, le retrait des forces russes du territoire ukrainien et le rétablissement des contrôles à la frontière", a déclaré lors du débat parlementaire Maksim Bourbak, député du Front populaire, le parti du Premier ministre. "ILLUSION DE LA PAIX" "Nous devons aider la coalition internationale anti-Poutine", a renchéri Youri Loutsenko, du Bloc Porochenko. Mais ces déclarations n'ont pas convaincu les adversaires du projet. "Cette modification de la Constitution est anti-ukrainienne, elle sert les intérêts de Poutine dans son projet de détruire l'Ukraine", a dit le dirigeant du Parti radical, Oleh Liachko. Pour Ioulia Timochenko, "cette décentralisation n'est pas le chemin vers la paix, au contraire, et elle nous conduira à abandonner une partie de notre territoire". "Poutine n'a pas besoin du Donbass. Ce qu'il veut, c'est la guerre en Ukraine. Notre rôle est de remettre les négociations sur le bon chemin afin de ramener la paix, pas l'illusion de la paix", a-t-elle poursuivi. Plus de 6.500 personnes ont été tuées depuis le début du conflit dans l'est de l'Ukraine en avril 2014, après l'annexion de la Crimée par la Russie en réponse au renversement du président ukrainien pro-russe Victor Ianoukovitch. Les dirigeants ukrainiens et les séparatistes pro-russes sont convenus le 26 août de mettre un terme à toutes les violations du cessez-le-feu. Samedi, la France, la Russie et l'Allemagne ont soutenu cet appel à un strict respect de la trêve et estimé qu'une nouvelle rencontre avec le président ukrainien pourrait être utile dans les prochaines semaines. (Avec Serhiy Karazy; Guy Kerivel pour le service français)