Motion de défiance après les incendies au Portugal

par Axel Bugge et Andrei Khalip

LISBONNE (Reuters) - Un parti d'opposition portugais a annoncé mardi qu'il déposerait une motion de défiance contre le gouvernement d'Antonio Costa, auquel il reproche de ne pas avoir été capable d'empêcher de nouvelles pertes de vies humaines dans les feux de forêts du week-end.

Le gouvernement est la cible de nombreuses critiques après les centaines d'incendies qui ont fait au moins 41 morts dans le nord et le centre du Portugal, quatre mois seulement après le décès de 64 personnes dans les pires feux de forêt de l'histoire du pays.

La pluie tombée lundi a permis aux pompiers de reprendre le contrôle de la situation mais n'a pas éteint la polémique, de nombreux Portugais reprochant au gouvernement sa lenteur pour faire face à la catastrophe et se demandant pourquoi il n'a pas tiré les enseignements des incendies du mois de juin.

"Si une tragédie survient à deux reprises en quatre mois, elle n'est pas véritablement une exception. Et dans la mesure où elle n'est pas une exception, cela sous-entend que le gouvernement a une nouvelle fois failli à son devoir le plus élémentaire: protéger la vie des citoyens", écrivait mardi l'éditorialiste Joao Miguel Tavares dans le quotidien Publico.

Un rapport établi sur les incendies de juin a pointé du doigt les lenteurs des services d'urgence et la mauvaise coordination entre les services des pompiers, en plus de la panne du réseau de télécommunications utilisé par la protection civile.

La motion de défiance déposée par le petit parti de centre droit CDS-PP n'a théoriquement aucune chance d'aboutir, le gouvernement de gauche bénéficiant d'une nette majorité au Parlement.

"INSULTE À L'INTELLIGENCE"

Son chef, Assuncao Cristas, a néanmoins dit vouloir sanctionner la "défaillance" des autorités, qui n'ont pas assumé, selon lui, "le devoir le plus élémentaire de l'Etat: protéger la vie des habitants".

La motion de défiance, qui n'a pas encore été formellement déposée au Parlement et pour le vote de laquelle aucune date n'a donc encore été fixée, accentue la pression sur le Premier ministre socialiste Antonio Costa, qui s'est rendu mardi sur les lieux du drame.

Pour sa défense, le chef du gouvernement a rappelé que le Portugal venait de connaître son été le plus sec depuis 90 ans et payait le prix de décennies de négligence en matière de prévention des feux de forêt.

Il a exclu lundi dans une allocution télévisée de limoger sa ministre de l'Intérieur, tout en promettant des réformes pour éviter qu'une pareille catastrophe se reproduise.

Le chef du groupe parlementaire des sociaux-démocrates (centre droit), Hugo Soares, a estimé mardi que l'allocution d'Antonio Costa était "une insulte à l'intelligence" des Portugais.

"Le Premier ministre a manqué une occasion d'assumer la responsabilité politique (des incendies) et a manqué l'occasion d'exprimer des regrets", a-t-il ajouté.

Les incendies du week-end dernier ont porté à 350.000 hectares la superficie totale dévastée par les flammes au Portugal depuis le début de l'année, un record depuis 2003. Le Portugal est de loin le pays le plus touché par les feux de forêt cette année dans l'Union européenne.

Les feux du week-end ont aussi détruit l'une des plus anciennes forêts de pins du pays, dont le bois avait servi aux XVe et XVIe siècles à fabriquer les galions qui ont pris part aux "grandes découvertes".

(Eric Faye et Tangi Salaün pour le service français)