Le gouvernement fédéral enquête sur la police de Ferguson

par Julia Edwards et Lawrence Hurley WASHINGTON (Reuters) - Le département américain de la Justice a promis d'enquêter rapidement et en profondeur sur les pratiques de la police de Ferguson à la suite de la relaxe obtenue par l'agent Darren Wilson dans l'affaire Michael Brown, a-t-on appris mercredi auprès de défenseurs des droits civiques. L'Attorney General Eric Holder a téléphoné lundi soir à ces militants pour les informer que son ministère "agissait avec célérité" sur le dossier, a indiqué Barbara Arnwine, responsable du Lawyers' Committee for Civil Rights Under Law. Laura Murphy, directrice du bureau juridique de Washington de l'American Civil Liberties Union, qui participait également à la conversation, rapporte qu'Eric Holder était "très conscient de la nécessité d'agir rapidement". L'indignation suscitée par le classement judiciaire de l'affaire Michael Brown, un adolescent noir de 18 ans abattu en août par Darren Wilson, a donné lieu à deux nuits de violences à Ferguson -où le calme est revenu mercredi soir- et à des manifestations à travers les Etats-Unis. Lors de leur conversation téléphonique avec Holder, le plus haut responsable chargé de faire respecter la loi aux Etats-Unis, les militants ont réclamé une réforme de la police de Ferguson afin d'apaiser les esprits. Le département de la Justice (DoJ), s'il devait conclure que la police de Ferguson viole les droits des citoyens de manière systématique, est habilité à prendre des mesures en vertu d'une loi fédérale de 1994 qui interdit aux policiers des pratiques privant les citoyens de leurs droits constitutionnels. Cette loi offre au ministère des moyens importants pour obliger un département de police à se réformer, en lui imposant par exemple la présence d'un observateur indépendant ou en adoptant de nouvelles méthodes de formation. Les départements de police ainsi visés -ceux de Detroit ou d'Albuquerque ont déjà fait l'objet de telles enquêtes- négocient généralement un accord amiable avec le DoJ. TENSIONS Située en banlieue nord de St Louis, Ferguson compte 21.000 habitants dont 63% de Noirs et 34% de Blancs, selon les chiffres du recensement américain de 2010. Pour certains habitants, l'affaire Brown symbolise la manière inéquitable dont sont traités les Afro-Américains dans cette municipalité gérée par les Blancs. Dans un rapport de 2013, le procureur général du Missouri relevait que plus de 85% des automobilistes contrôlés dans la ville étaient afro-américains, et que le taux d'interpellation parmi les Noirs était proportionnellement deux fois plus élevé que parmi les Blancs. S'ils veulent obtenir une mise en cause pénale individuelle de Darren Wilson, les procureurs fédéraux devront prouver que le policier avait l'intention de violer les droits de Michael Brown quand il l'a mortellement blessé. Ce qui paraît peu probable et difficile à prouver selon d'ex-procureurs. Emanuel Cleaver, élu noir démocrate du Missouri, souhaite que l'enquête du DoJ débouche sur le démantèlement de la police de Ferguson et que le maintien de l'ordre soit placé sous la responsabilité du comté de St Louis. Une autre option serait d'intégrer le département de police de Ferguson au sein du comté de St Louis, estime Robert Driscoll, ancien juriste du DoJ passé dans le privé. "Ce serait une solution élégante. Si j'étais au ministère, cela m'épargnerait pas mal de problèmes", dit-il. Une enquête sur les pratiques policières prend en général environ une année, selon Michael Selmi, un ancien du DOJ, mais elle pourrait être plus rapide dans le cas de Ferguson, dont le département de police est de taille modeste. "Quelque chose de bien doit sortir de cette affaire", déclare Barbara Arnwine. "Ce serait merveilleux que les gens puissent entrevoir une forme d'espoir." (Avec Ellen Wulfhorst et Carey Gillam; Jean-Stéphane Brosse pour le service français)