Le Front al Nosra rompt ses liens avec Al Qaïda et change de nom

BEYROUTH (Reuters) - Le Front al Nosra, jusqu'ici branche syrienne d'Al Qaïda, a annoncé jeudi se rebaptiser Front Fatah al Cham et rompre ses liens avec toute organisation extérieure, espérant par là ne plus être la cible de bombardements de puissances étrangères, Etats-Unis et Russie en tête. Considéré comme une organisation terroriste par les Etats-unis, l'ex-Front al Nosra a été exclu d'un accord de cessation des hostilités conclu en février dernier sous l'égide de Washington et de Moscou. Le groupe désormais appelé Front Fatah al Cham combat aux côtés d'autres groupes qui ont eux les faveurs des Américains et de leurs alliés arabes. Le conseil de sécurité des Nations unies l'a déjà sanctionné. Dans un communiqué vidéo, le chef du groupe rebelle islamiste syrien, Abou Mohamad al Golani, a déclaré que cette décision visait à faire cesser les attaques visant des civils syriens sous prétexte de frapper le Front al Nosra parce qu'il est affilié à Al Qaïda. "Nous avons cessé d'être actif sous le nom de Front al Nosra et nous avons formé une nouvelle entité (...) Cette nouvelle entité n'a aucun lien avec une organisation extérieure", a déclaré Abou Mohamad al Golani, ajoutant que le nouveau nom du groupe est le "Front Fatah al Cham". La vidéo d'Abou Mohamad al Golani constitue la première déclaration publique où le chef du groupe rebelle islamiste syrien montre son visage. Il a ajouté que ces modifications avaient été décidées pour "ôter un prétexte utilisé par la communauté internationale - Etats-Unis et Russie en tête - pour bombarder et déplacer des musulmans dans le Levant, à savoir qu'elle vise le Front al Nosra, qui est associé à Al Qaïda". LES ETATS-UNIS NE MODIFIENT PAS LEUR OPINION Réagissant au nouveau nom du Front al Nosra, le département d'Etat américain a dit ne pas avoir, à ce stade, de raisons de changer d'opinion par rapport à l'organisation, ajoutant qu'elle la jugera sur ses actions, ses objectifs et son idéologie. Washington a ajouté toujours considérer l'ex-Front al Nosra comme un groupe terroriste, notant qu'il restait toujours un objectif valable pour les forces aériennes américaines et russes. La scission du Front al Nosra d'Al Qaïda intervient deux jours après la proposition du secrétaire d'Etat américain John Kerry de coordonner avec la Russie des frappes aériennes le groupe. Selon Abou Mohamad al Golani, la nouvelle identité du groupe permettra de réduire les divergences avec d'autres organisations rebelles luttant pour le renversement du président syrien Bachar al Assad. Plus tôt dans la journée, Ayman al Zaouahri, le numéro un d'Al Qaïda avait dit au Front al Nosra qu'il pouvait couper les liens organisationnels avec le réseau si cela était nécessaire à la préservation de son unité et à la poursuite de sa lutte en Syrie. "Vous pouvez sacrifier sans hésitation les liens organisationnels s'ils sont un obstacle à votre unité, et travailler de façon autonome", a-t-il déclaré, dans un enregistrement audio. "La fraternité islamique parmi nous est plus forte que toute affiliation organisationnelle (...) Votre unité est plus importante pour nous que tout lien organisationnel", a ajouté Ayman al Zaouahri. Abou Mohamad al Golani a remercié Ayman al Zaouahri de placer les intérêts des musulmans et ceux des peuples du Levant au-dessus de considérations organisationnelles. En Syrie, le désormais ex-Front al Nosra est la faction la plus puissante à lutter à la fois contre les troupes du président Bachar al-Assad et l'organisation Etat islamique. En se séparant d'Al Qaïda, il pourrait recevoir plus de soutien financier de la part des pays du Golfe, opposés à Bachar al-Assad et à l'Etat islamique, et se rapprocher d'autres groupes armés. (Lisa Barrington; Eric Faye, Laura Martin et Benoît Van Overstraeten pour le service français)