Le FN échoue, droite et gauche se gardent de tout triomphalisme

PARIS (Reuters) - Le Front national a subi un échec dimanche au second tour des élections régionales où ses candidats, au premier chef Marine Le Pen et Marion Maréchal-Le Pen, se sont heurtés au "front républicain" socialiste qui a profité à la droite dans le Nord, le Sud et le Grand Est. La consécration espérée par la présidente du FN en vue de la présidentielle de 2017 n'est pas advenue : premier dans six régions à l'issue du premier tour, le parti fondé par Jean-Marie Le Pen est nettement distancé au second tour. Toutefois, à gauche comme à droite, un mois après les attentats du 13 novembre, les responsables politiques ont dit mesurer la progression sans précédent du Front national et ont assuré avoir entendu le message des urnes. "Il faut apporter la preuve que la politique ne reprend pas comme avant", a ainsi déclaré le Premier ministre, Manuel Valls. La présidente du FN, battue en Nord-Pas-de-Calais-Picardie, s'est réjouie qu'en "triplant" ses conseillers régionaux, son parti devienne "la première force d'opposition". "Nous sommes bel et bien entrés dans un bipartisme. (...) Maintenant le clivage ne sépare plus gauche et droite, mais les mondialistes et les patriotes", a-t-elle jugé. La gauche l'emporterait dans quatre des treize régions métropolitaines (Bretagne, Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes, Bourgogne), la droite dans six (Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine, Pays de la Loire, Auvergne-Rhône-Alpes, Nord-Pas-de-Calais-Picardie, PACA et Normandie). L'issue était incertaine en Ile-de-France et Centre-Val de Loire. En Corse, droite et gauche sont battues par les régionalistes. BOND DE LA PARTICIPATION Les appels à la mobilisation de l'exécutif socialiste ont été entendus puisque la participation a enregistré un bond de quelque huit points (autour de 60%) par rapport au 6 décembre, particulièrement dans les trois régions où Manuel Valls, en accord avec le président François Hollande, avait appelé à voter à droite pour faire barrage au FN. Marine Le Pen est battue par le candidat de la droite Xavier Bertrand mais la présidente du FN progresse toutefois d'un point par rapport au premier tour avec quelque 42% des suffrages. "L'Histoire retiendra que c'est ici que nous avons stoppé la progression du FN", a dit Xavier Bertrand. En Provence-Alpes-Côte-d'Azur, la nièce de la présidente du FN, Marion Maréchal-Le Pen, est défaite par le sarkozyste Christian Estrosi, qui a dit avoir lavé "l'affront national". Dans ces deux régions, les candidats socialistes, arrivés en troisième position, s'étaient désistés. En Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine, où le candidat socialiste Jean-Pierre Masseret avait refusé de se plier aux consignes de la direction du PS, Philippe Richert (Les Républicains) est élu face au vice-président du FN Florian Philippot. Le dénouement dans ces trois régions est un satisfecit pour Manuel Valls qui, face au "ni ni" contesté de Nicolas Sarkozy (ni désistement, ni fusion avec les listes PS au second tour), avait fait prévaloir la doctrine, il est vrai elle aussi écornée, du "front républicain". "Cet élan très digne est une injonction à en finir avec les petits jeux politiciens, les invectives, les sectarismes", a déclaré le Premier ministre. "Ce soir, aucun soulagement, aucun triomphalisme, aucun message de victoire, le danger de l'extrême droite n'est pas écarté, loin de là", a poursuivi Manuel Valls. "Tout cela nous oblige à entendre davantage les Français", a-t-il dit. Le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, a pris acte pour sa part d'"un succès sans joie" et a réclamé une inflexion politique vers la gauche. "AVERTISSEMENTS" La droite, qui entendait prendre une revanche éclatante sur l'humiliation de 2010, lorsqu'une vague rose n'avait épargné que l'Alsace, obtient un résultat en deçà du succès des départementales de mars. Elle espérait toutefois en une possible victoire en Ile-de-France. Ces résultats ne doivent "sous aucun prétexte, faire oublier les avertissements qui ont été adressés à tous les responsables politiques, nous compris", a dit Nicolas Sarkozy. "Il nous faut maintenant prendre le temps de débattre au fond des choses des grandes questions qui angoissent les Français" et d'y apporter des réponses, a-t-il ajouté, en insistant sur "l'unité dans la famille des Républicains". L'aggiornamento demandé dimanche dernier par plusieurs responsables des Républicains à un Nicolas Sarkozy fragilisé aura donc des accents plus diplomates, mais il n'en ébranlera pas moins le parti. Ainsi l'ancien Premier ministre Alain Juppé, qui avait appelé le premier au débat le 6 décembre, a estimé qu'un débat sur le positionnement de l'ex-UMP était "vain" mais il s'est inscrit sans attendre dans la perspective de la présidentielle. "Nous avons à tirer les leçons de ce scrutin. (...) Nous avons tous un devoir de lucidité", a dit le maire de Bordeaux. Principal rival de Nicolas Sarkozy pour la primaire de 2016, il a affirmé sa "détermination", dans un quasi-discours de candidat présidentiel, à "changer de cap". Autre prétendant en lice, François Fillon a estimé que les régionales constituaient "le dernier avertissement avant 2017". "Ce sursaut est un réconfort mais il n'efface pas le 6 décembre qui reste le véritable baromètre de l'état du pays." (Sophie Louet avec Service France, édité par Yves Clarisse)