Le flot de migrants se poursuit, l'UE à l'épreuve de la crise

En gare de Francfort. L'Autriche et l'Allemagne ont ouvert leurs frontières samedi à des milliers de migrants et de réfugiés épuisés, que les autorités hongroises ont acheminés en autocars après avoir tenté en vain d'empêcher leur passage. /Photo prise le 6 septembre 2015/REUTERS/Kai Pfaffenbach

par Balazs Koranyi et Irene Preisinger BUDAPEST/MUNICH (Reuters) - L'afflux de migrants s'est poursuivi dimanche entre la Hongrie, l'Autriche et l'Allemagne, mettant à rude épreuve la cohésion de l'Union européenne sur la réponse à apporter à cette crise migratoire. Le pape François a invité toutes les paroisses et les communautés religieuses d'Europe à accueillir une famille de réfugiés, un geste de solidarité qui débutera au Vatican. Le chancelier autrichien Werner Faymann a déclaré dimanche qu'il était temps de commencer à supprimer progressivement les mesures exceptionnelles prises en Autriche pour venir en aide aux milliers de migrants qui étaient bloqués en Hongrie. De son côté l'Allemagne, où quelque 18.000 personnes ont afflué, a décidé de libérer quelque trois milliards d'euros supplémentaires pour aider les Länder et les municipalités à faire face à l'arrivée massive de migrants et de réfugiés. A l'issue d'une réunion de plus de cinq heures entre partenaires de la coalition dirigée par la chancelière Angela Merkel, le gouvernement a détaillé, dans un communiqué, d'autres mesures, telles l'accélération de la procédure d'asile et la facilitation de la construction de centres d'accueil. Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Junker, doit présenter mercredi au Parlement de Strasbourg un plan qui prévoit de porter de 40.000 à 160.000 le nombre de demandeurs d'asile arrivés en Italie, en Grèce et en Hongrie, à répartir dans les autres pays de l'Union sur la base de quotas nationaux. Les mesures seront ensuite examinées par les ministres de l'Intérieur de l'UE le 14 septembre. Dimanche, un convoi de 140 véhicules transportant des vivres et de l'eau potable a quitté Vienne pour aller à la rencontre de migrants qui ont quitté Budapest à pied en direction de l'Autriche, d'où ils espèrent gagner ensuite l'Allemagne. Les pays européens sont divisés sur les mesures à prendre pour faire face à ce flot migratoire en provenance du Proche-Orient, d'Afrique et d'Asie. L'Allemagne, qui s'attend à accueillir au total 800.000 migrants et réfugiés cette année, a appelé les autres Etats membres de l'UE à partager le fardeau. La Grande-Bretagne consacrera une partie de son budget d'aide au développement à l'accueil de réfugiés fuyant la guerre en Syrie, a annoncé le ministre des Finances, George Osborne. Le Premier ministre David Cameron a déclaré vendredi que son pays allait accueillir "des milliers" de réfugiés syriens supplémentaires. TRAITER LE PROBLÈME "À LA SOURCE" En Turquie, où il participait samedi à une réunion du G20, George Osborne a entrouvert la porte à la participation de la Grande-Bretagne aux frappes aériennes de la coalition internationale contre l'Etat islamique (EI) en Syrie, afin de s'attaquer "à la source" au problème des migrants. Selon le journal Le Monde, la France envisage aussi de mener des frappes aériennes contre l'Etat islamique en Syrie et non plus seulement en Irak. En France, le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve a adressé une lettre aux maires du pays pour les inviter à une réunion de travail le 12 septembre afin de concrétiser leurs propositions d'accueil des réfugiés. La France pourrait accueillir 27.000 réfugiés si la proposition de Jean-Claude Juncker est entérinée. Un sondage pour le quotidien Aujourd'hui en France montre cependant que 55% des Français sont hostiles à un assouplissement des règles d'octroi du statut de réfugié. Près de 11.000 réfugiés et migrants sont arrivés dans la seule journée de dimanche à Munich, en Bavière, où les autorités ont mis en place un imposant dispositif pour les accueillir. Mais le rythme des nouvelles arrivées commençait dimanche soir à exercer une forte pression sur les capacités d'accueil de la grande ville du sud de l'Allemagne, d'autant plus que 11.000 autres personnes pourraient arriver ce lundi. "Cela devient tendu", a déclaré Christoph Hillenbrand, président du gouvernement du district de Haute-Bavière, une des circonscriptions formant le land de la Bavière, lors d'une rencontre avec la presse à la gare de Munich. Les réfugiés sont conduits dans des centres d'accueil où ils reçoivent des soins médicaux, des vivres et des vêtements propres. L'Union chrétienne sociale (CSU), la très conservatrice alliée bavaroise de la CDU d'Angela Merkel, a critiqué la décision de la chancelière d'accueillir ces migrants. DIVERGENCES EN ALLEMAGNE Lors d'une conférence téléphonique, le ministre-président CSU de Bavière, Horst Seehofer, et d'autres responsables du parti ont estimé que l'initiative du gouvernement fédéral envoyait un "mauvais signal", rapporte le Bild am Sonntag. Le Parti social-démocrate (SPD), autre partenaire de la "grande coalition" au pouvoir en Allemagne, a défendu la position de la chancelière. "C'était la seule chose à faire", a déclaré Yasmin Fahimi, la secrétaire générale du SPD. A Budapest, dans la gare de Keleti, les migrants ont pu embarquer librement dimanche à bord de trains à destination de Hegyeshalom, à la frontière autrichienne. Des volontaires ont apporté de la nourriture et des vêtements aux centaines de personnes qui attendent toujours dans la gare. Dimanche en milieu d'après-midi, environ 4.000 personnes avaient franchi la frontière entre la Hongrie et l'Autriche, selon la police autrichienne. Depuis samedi, plus de 10.000 migrants qui avaient été bloqués pendant plusieurs jours à Budapest ont pu gagner l'Autriche, le gouvernement du Premier ministre Viktor Orban ayant accepté de les conduire en autocar à la frontière. Sur l'île grecque de Lesbos, en mer Egée, 500 Afghans dénonçant la lenteur des contrôles d'identité ont affronté samedi les forces de l'ordre. Un ferry a conduit dimanche 1.744 migrants de Lesbos au Pirée, près d'Athènes, et un autre avec 2.500 passagers était attendu dans la journée. (Avec Sandor Peto et Balazs Koranyi à Budapest, Angelika Gruber et Georgina Prodhan à Vienne, Shadia Nasralla à Alpbach, François Murphy à Salzbourg, Michael Shields à Zurich, Robin Emmott à Luxembourg et Thomas Seythal et Michael Nienaber à Berlin; Tangi Salaün, Jean-Philippe Lefief, Guy Kerivel et Benoît Van Overstraeten pour le service français)