Du mieux sur le déficit, mais une croissance toujours poussive

LA DETTE PUBLIQUE

par Yann Le Guernigou PARIS (Reuters) - La France a annoncé jeudi un déficit public à 4% de sa richesse nationale en 2014, un niveau bien inférieur aux prévisions officielles et qui devrait faciliter ses négociations sur la trajectoire à adopter pour le ramener dans les clous européens. L'Insee a confirmé dans le même temps que l'économie française avait fini 2014 sur une note poussive, une croissance limitée à 0,1% au quatrième trimestre, mais avec des éléments qui augurent d'une meilleure dynamique début 2015. Au vu du déficit 2014, qui était attendu officiellement à 4,4% du PIB, le ministre des Finances Michel Sapin a indiqué que le gouvernement était "pleinement confiant" dans sa capacité à le ramener sous 3% d'ici 2017, conformément au nouveau calendrier récemment convenu avec Bruxelles. Dans un premier temps, le chiffre publié, qui se compare avec un déficit de 4,1% en 2013, ouvre "la perspective d'une révision à la baisse" de celui de 2015 "aux alentours de 3,8%", ou 0,3 point de moins que prévu jusqu'à présent", a-t-il dit. Ces annonces interviennent moins d'un mois après que l'Union européenne a accepté d'accorder à la France un nouveau délai, le troisième en l'espace de six ans, pour ramener son déficit public sous 3% du PIB. La Commission européenne a bien accueilli les données publiées jeudi, qui devront être entérinées par Eurostat. "Si ces chiffres sont confirmés, ce sera une bonne nouvelle pour la France et la zone euro dans son ensemble", a dit Margaritis Schinas, porte-parole de l'exécutif européen. "Il est encourageant de voir que la France progresse dans la voie des réformes et de la consolidation de ses dépenses publiques". EFFORTS SUPPLÉMENTAIRES Bruxelles a octroyé ce répit en échange d'efforts supplémentaires, estimant que quatre milliards d'euros manquaient pour que l'objectif fixé pour 2015 (4,0%) soit atteint. Paris n'a pas caché de son côté qu'il espérait qu'un déficit 2014 meilleur que prévu lui simplifierait la tâche. Dans ce contexte, certains économistes s'interrogent sur le point de savoir s'il n'a pas "dramatisé" ses prévisions de déficit 2014, qui sont passées de 3,6% initialement à 3,8% au printemps puis 4,4% à l'automne. "Cela signifie que l'objectif 2015 sera plus facile à atteindre et cela devrait faire baisser les tensions avec la Commission européenne et nos partenaires européens", écrit dans une note Dominique Barbet, économiste de marché de BNP Paribas. Une forte baisse des investissements des collectivités locales explique pour moitié la différence entre les attentes et le chiffre publié. Malgré ce léger mieux, la dette publique de la France a encore progressé de 84,4 milliards d'euros l'an passé pour atteindre 2.037,8 milliards d'euros, un nouveau record, soit l'équivalent de 95% du PIB contre 92,3% un an plus tôt. "Quand on fait un déficit inférieur à ce qui était prévu, ça donne confiance, ça doit donner confiance à ceux qui doivent prendre les décisions, les chefs d'entreprises et les ménages", pour investir, a dit Michel Sapin sur iTELE. REBOND DES MARGES DES ENTREPRISES Cette confiance fait défaut depuis trois ans aux acteurs économiques français et 2014 s'est soldée par une croissance de 0,4%, un rythme identique à 2012 et 2013, la hausse du PIB du dernier trimestre étant limitée à +0,1%. Avec des investissements une nouvelle fois en baisse, une stagnation n'a été évitée sur les trois derniers mois que grâce à la consommation des ménages et aux exportations, mieux orientées du fait de la baisse des prix pétroliers pour les premiers, de celle de l'euro pour les secondes. Le taux de marge des entreprises a bondi de 0,4 point sur le trimestre, à 29,9%, mais accuse un recul décevant de 0,1 point sur l'ensemble de 2014, à 29,7%, malgré l'impact du Crédit d'impôt compétitivité emploi. Sur la base des chiffres du dernier trimestre, l'acquis de croissance pour 2015 atteint 0,2%. Axelle Lacan (Crédit agricole) estime toutefois qu'"un certain nombre de facteurs se mettent en place qui confortent le scénario d'une accélération de la croissance." "Le regain de confiance signalé par les enquêtes de l'Insee se traduit enfin dans les chiffres", dit-elle en insistant sur le rebond des marges des entreprises et la baisse de l'épargne des ménages qui a soutenu la consommation en fin d'année. Pour l'économiste, "les baisses de l'euro et du pétrole ont commencé à jouer en toute fin 2014 et permettent d'aborder 2015 sur une base plus dynamique", même si à ce stade, "l'investissement reste un gros point noir". A partir de là, Michel Sapin estime que "le 1% de croissance pour 2015, il est acquis". Mais le ministre s'est bien gardé d'aller plus loin que la prévision sur laquelle le gouvernement a bâti son budget, là où le Premier ministre Manuel Valls a assuré jeudi que la France ferait "bien mieux". (avec Ingrid Melander, Philip Blenkinsop à Bruxelles, édité par Marc Joanny)