Le Cambodge risque des sanctions après avoir interdit l'opposition

Les Etats-Unis ont dit qu'ils allaient prendre des "mesures concrètes" à l'encontre du Cambodge et l'Union européenne a menacé de remettre en cause les préférences commerciales dont bénéficie le pays après que le principal parti d'opposition, CNRP, a été interdit d'élection. /Photo prise le 17 novembre 2017/REUTERS/Samrang Pring

par Amy Sawitta Lefevre et Prak Chan Thul

PHNOM PENH (Reuters) - Les Etats-Unis ont menacé vendredi de prendre des "mesures concrètes" à l'encontre du Cambodge et l'Union européenne de remettre en cause les préférences commerciales dont bénéficie le pays au lendemain de la dissolution du principal parti d'opposition.

La Cour suprême cambodgienne a dissous jeudi le Parti du sauvetage national du Cambodge (CNRP), à la demande du Premier ministre Hun Sen, au pouvoir depuis plus de 30 ans.

Les adversaires de Hun Sen ont estimé que cette dissolution sonnait le glas de la démocratie.

Le CNRP, qui espérait défier le Premier ministre lors des élections législatives de l'an prochain, est accusé de conspirer pour renverser le gouvernement avec la complicité de Washington, ce qu'il dément.

Les commentateurs voient dans cette décision du tribunal l'aboutissement de mois de pressions exercées par le Parti du peuple cambodgien, au pouvoir, sur l'opposition, la société civile et les médias indépendants afin de faire taire toute dissidence en vue du scrutin de 2018.

"Si les choses suivent leurs cours actuel, les élections de l'année prochaine ne seront ni légitimes ni libres ni justes", a estimé la Maison blanche dans un communiqué.

Parmi les premières mesures concrètes annoncées, Washington va cesser de verser des fonds à la Commission des élections nationales au Cambodge.

A Bruxelles, un porte-parole de l'UE a noté que les élections perdaient toute légitimité sans l'opposition, notant que le respect des droits de l'homme était une condition pour avoir accès au programme de préférences commerciales de l'UE.

LA CHINE SOUTIENT PHNOM PENH

Ce programme - ainsi que les préférences commerciales identiques accordées par les Etats-Unis - ont permis au Cambodge de bâtir une industrie du textile fondée sur le niveau peu élevé des coûts du travail. L'Union européenne et les Etats-Unis absorbent ensemble quelque 60% des exportations cambodgiennes.

Les donateurs occidentaux ont dépensé des milliards de dollars depuis 1993 pour mettre en place un système multipartite après des décennies de guerre.

Le gouvernement de Phnom Penh a déclaré que la position des Etats-Unis avait été prise sans égard pour les preuves apportées devant le tribunal.

"Nous espérons que les Etats-Unis prendront en compte l'ensemble des relations bilatérales avec le Cambodge et continueront de collaborer dans l'intérêt commun des deux pays", a déclaré le sous-secrétaire d'Etat au ministère de l'Intérieur Huy Vannak, qui est un proche du Premier ministre.

Jusqu'ici, les pays occidentaux n'ont guère montré d'entrain pour imposer des sanctions au gouvernement de Hun Sen, proche de la Chine.

Cette dernière est de loin le premier donateur du Cambodge ainsi que le premier investisseur dans le pays.

La Chine soutient le Cambodge dans la mise en oeuvre de son propre modèle de développement, a déclaré vendredi un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères.

(Prak Chan Thul et Sawitta Lefevre, Benoît Van Overstraeten et Jean-Stéphane Brosse pour le service français)