L'avant-garde de la défense européenne entre en rodage

La Finlande a rejoint mercredi les rangs de l'Initiative européenne d'intervention, une structure lancée en juin dernier sous l'impulsion de la France pour renforcer l'autonomie stratégique de l'UE, à l'heure où Emmanuel Macron esquisse la perspective controversée d'une "armée européenne". /Photo d'archives/REUTERS/Ints Kalnins

PARIS (Reuters) - La Finlande a rejoint mercredi les rangs de l'Initiative européenne d'intervention, une structure lancée en juin dernier sous l'impulsion de la France pour renforcer l'autonomie stratégique de l'UE, à l'heure où Emmanuel Macron esquisse la perspective controversée d'une "armée européenne".

L'IEI, dont les représentants politiques se sont réunis mercredi pour la première fois à Paris sous l'égide de la ministre française des Armées Florence Parly, compte désormais dix membres : France, Allemagne, Belgique, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, Pays-Bas, Portugal et le Royaume-Uni, qui trouve là une clé d'arrimage européen avant le Brexit.

L'ambition de ce projet, que le président français avait appelé de ses voeux en septembre 2017 lors de son discours sur l'Europe à la Sorbonne, est de doter les Européens d'une capacité d'action et de prévention pour des conflits, mais aussi des crises humanitaires ou environnementales, en mutualisant la planification militaire, le soutien aux opérations, l'anticipation et le renseignement.

Ministres ou représentants des pays signataires se sont entendus mercredi sur une feuille de route détaillant les priorités politiques sur lesquelles les états-majors des armées concernées plancheront à partir de vendredi. "Des sujets qui ne sont pas couverts aujourd'hui, ni à l'UE ni à l'Otan", a précisé Florence Parly lors d'un discours.

"L’unanimité ne doit pas être la règle. L’IEI se distingue des initiatives existantes, en ce qu’elle offre la flexibilité nécessaire pour permettre à chaque membre de travailler sur les sujets qui sont au coeur de ses préoccupations stratégiques", a-t-elle souligné.

"HORS-SUJET ASSEZ INCOMPRÉHENSIBLE"

L'adhésion de la Finlande, a-t-elle estimé, est "un signal de [l']attractivité et [du] dynamisme" de l'Initiative.

"L'IEI n'est pas figée, et si d'autres Etats qui ont montré une volonté et une capacité à agir opérationnellement veulent la rejoindre, ils seront les bienvenus", a poursuivi la ministre, contredisant en cela les projections de l'état-major français, qui s'inquiète en privé d'une structure pléthorique ingérable.

"L’IEI, c’est une solution supplémentaire pour la défense de l’Europe", a-t-elle assuré.

La France défend un cadre "flexible", "pragmatique" axé sur les opérations et pas les capacités, indépendamment des dispositifs existants de l'Union européenne - tels les groupements tactiques (GTUE), jamais utilisés - et de la force de frappe américaine.

L'idée est d'agir "hors des schémas habituels", trop lourds, avec "un nombre limité de pays capables et volontaires" au risque de raviver les critiques sur une Europe "à plusieurs vitesses". Paris souligne que cette "culture stratégique commune" profitera autant à l'UE qu'à l'Otan.

Emmanuel Macron a ajouté aux inquiétudes dans une UE fracturée en prônant mardi la création d'une "vraie armée européenne", idée rejetée par une large partie des chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE, face à une Russie "menaçante". [nL8N1XH6NE]

Le député européen Arnaud Danjean (Les Républicains), auquel Emmanuel Macron avait confié la supervision de la Revue stratégique de Défense et de sécurité nationale 2017, s'est alarmé mercredi sur Twitter d'"un hors-sujet assez incompréhensible et d'une déconcertante légèreté".

"Des avancées pragmatiques et la construction patiente, avec eux qui y sont prêts et le veulent vraiment, d’une convergence politique en matière de Défense sont infiniment préférables à des slogans et incantations totalement illusoires, voire contre-productifs", écrit-il notamment.

(Sophie Louet, édité par Yves Clarisse)