Qui est Laurent Vinatier, le Français arrêté en Russie soupçonné d'espionnage ?

Laurent Vinatier, qui travaille pour une ONG suisse de résolution des conflits, a été arrêté à Moscou, le 6 juin 2024, pour des soupçons d'espionnage. Paris dément les accusations russes et dénonce des "intoxications".

Quelques heures après l'annonce par Moscou de l'arrestation d'un ressortissant français, soupçonné de collecte d'informations sur des activités militaires russes, Emmanuel Macron a confirmé l'information, tout en fustigeant les "intoxications" du Kremlin.

"En aucun cas, ce n'était quelqu'un qui travaillait, qui travaille pour la France", a martelé le président français, ajoutant que l'homme, Laurent Vinatier, travaillait pour une ONG suisse "qui fait de la diplomatie". "Il recevra toutes les protections consulaires qui conviennent dans un tel cas. Mais je voulais ici rétablir la vérité face aux intoxications qu'on entend", a promis Emmanuel Macron.

Qui est Laurent Vinatier? Né en 1976, le Français est docteur en philosophie et expert de la Tchétchénie. Après avoir travaillé au sein de l'Institut français des études centrasiatiques en Ouzbékistan, il a rejoint en 2001 l'Otan, au sein du cabinet du conseiller du secrétaire général pour les affaires d'Europe centrale et orientale, détaille le Figaro. En décembre 2008, il a soutenu un doctorat sur le conflit en Tchétchénie à l'Institut d'Études politiques de Paris.

Laurent Vinatier travaillait depuis des années sur le conflit entre la Russie et l'Ukraine, dans le cadre de discrets efforts diplomatiques en parallèle des États. Il était employé par l'ONG suisse Centre pour le dialogue humanitaire (DH), une organisation créée en 1999, qui intervient "dans la plupart des conflits mondiaux, avec des projets de médiation dans diverses régions d'Afrique, du Moyen-Orient, d'Eurasie et d'Asie", comme elle l'indique sur son site. L'ONG a confirmé l'arrestation du Français, et affirme auprès du Figaro œuvrer pour sa "libération".

Selon plusieurs sources interrogées par l'AFP, Laurent Vinatier était engagé dans une diplomatie discrète, voyageant à la fois en Russie et en Ukraine, même après l'assaut russe du 24 février 2022.

Les médiateurs de DH travaillent en effet dans la confidentialité et hors des carcans de la diplomatie classique, ce qui permet des contacts informels entre adversaires, mais expose aussi ces acteurs à des accusations d'espionnage.

Vinatier est suspecté d'avoir illégalement récolté des informations sur les activités militaires de la Russie, mais a été formellement poursuivi à ce stade pour avoir violé une loi traitant des "agents de l'étranger", législation utilisée par Moscou pour réprimer ses détracteurs, et un délit passible de cinq ans de prison.

Mais le langage des enquêteurs, qui évoquent une "collecte ciblée d'informations dans le domaine des activités militaires et militaro-techniques de la Russie", laisse présager des poursuites encore plus graves. Les informations qu'il aurait récoltées, "si elles sont obtenues par des sources étrangères, pourraient être utilisées contre la sécurité de l'État" russe.

"Les enquêteurs ont l'intention de demander au tribunal du district de Zamoskvoretski de Moscou de prendre une mesure de sûreté à l'encontre de l'accusé", a indiqué le Comité d'enquête russe.

Ce vendredi 7 juin, l'avocat du Comité d'enquête, Alexeï Sinitsyne, a indiqué que les enquêteurs ont demandé le placement en détention provisoire du Français.

L'arrestation de ce Français intervient en plein accroissement des tensions russo-françaises, justement du fait de l'Ukraine. Mercredi, un Russo-Ukrainien a été interpellé, soupçonné d'avoir projeté une action violente en France, à moins de deux mois du début des Jeux olympiques à Paris.

Moscou est aussi suspecté de multiples actions d'interférence, d'intimidation ou de désinformation en France, comme l'affaire des cercueils installés au pied de la tour Eiffel, des tags en mai sur le mémorial de la Shoah, des étoiles de David bleues marquées au pochoir à Paris et dans sa banlieue en octobre 2023.

Article original publié sur BFMTV.com