Laurence Cottet, ancienne alcoolique : "Je me suis effondrée, ivre morte, devant 650 cadres supérieurs"
Alcool, drogues, sexe, alimentation, jeux d’argent ou jeux vidéo… Pour "Addict.e.s", sur Yahoo, anonymes et célébrités ont accepté de briser le tabou de la dépendance. Ils racontent la spirale infernale de l’addiction, l’impact souvent destructeur sur l’ensemble des sphères de leur vie, et le chemin, souvent long et douloureux, vers la sobriété.
Ancienne alcoolique, Laurence Cottet a réussi à se sortir de sa dépendance après une longue descente aux enfers. Pour Yahoo, cette femme de 61 ans a accepté de se livrer sur cette maladie et sur la manière dont elle s’en est sortie. Aujourd’hui guérie, elle souhaite aider celles et ceux qui n’y sont pas encore parvenus, un combat qu’elle mène avec ardeur. Un témoignage poignant.
Tributaire de l’alcool pendant une quinzaine d’années, Laurence Cottet est parvenue à vaincre son addiction après avoir quasiment tout perdu, sa dignité de femme, sa famille et son travail. Pour y parvenir, cette femme de 61 ans, au lourd passif, a traversé de nombreuses épreuves, de sombres périodes sur lesquelles elle a accepté de revenir au micro de Yahoo. (Retrouvez l’intégralité de l’interview en fin d’article)
Comme des milliers d’autres personnes, les prémisses de son alcoolisme remontent à l’adolescence, à l’âge de 15 ans. Mal dans sa peau, Laurence manque de confiance mais va rapidement inverser cette tendance grâce à l’alcool. En buvant plusieurs verres, la jeune femme, désinhibée, découvre une facette d’elle-même qu’elle apprécie et qu’elle adopte jusqu’à ses 25 ans. "Ces dix années ont été copieusement arrosées par l’alcool mais réussies sur le plan des études", confie-t-elle.
Devenue cadre supérieure dans un groupe mondial du BTP, Laurence met la pédale douce sur l’alcool lorsqu’elle rencontre son mari. "Parfois, nous faisions quelques excès avec des amis mais nous ne buvions jamais la semaine", se remémore-t-elle, tout en revenant sur l’événement tragique à l'origine de sa rechute. À 35 ans, alors qu’elle mène une vie agréable, loin de tout soucis, tout s’effondre. Laurence perd brutalement son époux des suites d’une longue maladie, un événement auquel elle n’était pas préparée. "Ça a été fulgurant. En trois mois, il est parti." Malheureusement, Laurence retrouve ses mauvaises habitudes et sombre. La trentenaire ne gère plus rien et vit une véritable descente aux enfers de 35 à 36 ans. Une année où elle s'enferme chez elle avec les 300 bouteilles de vin que son défunt mari lui a laissée dans la cave.
"Le matin, je buvais le quart d'une bouteille de vodka mélangé avec du jus d'orange"
Jusqu’à ses 48 ans, à cause de la maladie, Laurence ne vit plus mais se trouve "en mode survie". "L’alcool est une obsession, il n’y a plus que ça qui compte", confie-t-elle tout en expliquant devoir organiser sa journée autour de son addiction. À 8 heures du matin, tout va bien. Laurence ressent encore les effets des verres de la veille. Mais peu avant 10 heures, la maladie reprend le dessus sur sa vie. Elle commence à ressentir "le craving", cette envie irrépressible de consommer de l’alcool. Physiquement, elle n’est plus la même. Elle devient nerveuse, irritable. Ses mains commencent à trembler. Pour remédier à cet état, elle consomme le quart d’une bouteille de vodka mélangé avec du jus d’orange. Et pour masquer son haleine éthylique, elle a toujours le même rituel : croquer un petit grain de café.
Bien souvent, Laurence est dans l’incapacité de travailler l’après-midi. Imprégnée par l’alcool, elle continue sa journée d’ivresse dans un bar à Paris ou à son domicile et finit par se réveiller aux alentours de 22 heures avec de terribles angoisses et une profonde culpabilité. Désœuvrée, elle broie du noir et fait plusieurs tentatives de suicide mais ne parvient jamais à mettre fin à ses jours. "Je ne sais pas pourquoi, je m’en suis toujours sortie."
"Ça a été le jour le plus terrible de ma vie, j’ai perdu ma dignité de femme"
Comme à l’accoutumée, Laurence trouve du réconfort dans l’alcool et continue de boire jusqu’au jour où le déclic se produit, le jour le "plus terrible" de sa vie, raconte-t-elle. Le 24 janvier 2009, Laurence se trouve à la cérémonie des vœux chez Vinci et s’effondre ivre morte devant 650 cadres supérieurs. "Je perds en une fraction de seconde ma dignité de femme, mon travail et les quelques amis qui me restaient". Sa famille, elle, l’avait déjà "éjectée" depuis bien longtemps.
Comme elle le raconte, cet événement marque le premier jour du reste de sa vie. "Je n’ai plus à me cacher et j’apprendrai, quelques jours plus tard, lorsque le DRH voudra se séparer de moi, que tout le monde était au courant de mon problème d’alcool", explique-t-elle tout en regrettant le manque d’intérêt de ses collègues à son égard. "Personne n’est venu m’en parler." Par chance, la roue tourne et Laurence va enfin pouvoir se sortir de cet engrenage grâce à un médecin addictologue. Prise en charge, Laurence apprend à se considérer comme une "patiente" et non comme "une pochtronne", "une débauchée" ou "une femme sans volonté".
"J’étais incapable d’avoir une relation sexuelle sans alcool, j’étais une fille facile"
Guérie, Laurence a depuis remonté la pente et retrouvé un équilibre dans sa vie. "À 50 ans, j'ai eu la chance de rencontrer quelqu'un", une vie sentimentale retrouvée après un parcours de vie chaotique et une vie intime des plus décousues. Pendant toute cette période d’alcoolisme, Laurence raconte avoir été incapable de construire quelque chose de sérieux. Considérée comme une femme facile, elle ne parvenait pas à avoir une relation sexuelle sans alcool.
Un phénomène qui a depuis disparu. "À partir du moment où l’on se soigne, tout rentre dans l’ordre. L’alcool met six mois pour s’évaporer du cerveau. Ce n’est seulement après que l’on retrouve de la lucidité", explique-t-elle.
Retrouvez en intégralité l'interview de Laurence Cottet