Laura Poitras : Nan Goldin, les opioïdes et moi

La documentariste Laura Poitras, samedi 10 septembre 2022, avec le Lion d’or de la 79e Mostra de Venise.  - Credit:STRINGER / Anadolu Agency via AFP
La documentariste Laura Poitras, samedi 10 septembre 2022, avec le Lion d’or de la 79e Mostra de Venise. - Credit:STRINGER / Anadolu Agency via AFP

Nan Goldin est l'une des photographes les plus célèbres du monde. Ses images sans fard du New York des drag-queens et de la défonce, ses autoportraits au visage tuméfié (après un tabassage en règle par un amant décidé à la rendre aveugle), sa fameuse Ballade de la dépendance sexuelle (1986) appartiennent aux collections des plus grands musées, de la Tate de Londres au Guggenheim de New York. Alors, quand, en 2017, cette artiste révérée s'est mise à manifester dans les musées contre les Sackler (des mécènes dont la fortune provient d'un opioïde terriblement addictif, l'OxyContin), « ça a été un électrochoc », explique la documentariste américaine Laura Poitras, dont le nouveau film, le magnifique Toute la beauté et le sang versé (en salle), est consacré à la photographe. « Nan est une artiste majeure et tout à coup elle leur demandait de choisir : les Sackler et leur argent ou elle et son œuvre. Le plus fou, c'est qu'elle a gagné son combat. »

Le Point : Pourquoi vous être intéressée à l'engagement de Nan Goldin contre la famille Sackler ?

Laura Poitras : J'ai fait un film sur l'armée américaine en Irak (My Country my Country, 2006), un autre autour d'Edward Snowden, de la surveillance globale et des écoutes illégales orchestrées par la NSA : Citizenfour (2014). A priori, l'univers de Nan Goldin, qui est une artiste de l'intime, paraît très loin de mon travail. Mais le thème sous-jacent est celui de l'abus de pouvoir… Et, en ce qui concerne les Sackler, voilà [...] Lire la suite