L'Assemblée débat ce mardi d'un texte pour rendre inéligible les auteurs de violences conjugales

La proposition crée un certain malaise, jusque dans la majorité présidentielle: à la suite de l'affaire Adrien Quatennens, l'Assemblée nationale examine ce mardi un texte de Renaissance qui prévoit d'imposer une peine d'inéligibilité aux auteurs de certaines violences, notamment conjugales ou intrafamiliales.

Portée par Aurore Bergé, la patronne du groupe majoritaire, la proposition de loi sera examinée à partir de la fin d'après-midi, au bout d'une journée où les yeux seront tournés vers la mobilisation contre la réforme des retraites.

Aux côtés du président de la commission des Lois Sacha Houlié, la députée l'avait présentée le 11 janvier dernier, le jour même où Adrien Quatennens faisait un retour discret à l'Assemblée nationale.

"Ce retour ne peut pas être passé sous silence, il n'a rien de naturel", avait alors relevé la députée des Yvelines.

"Exemplarité des élus"

Le député du Nord a été condamné en décembre à quatre mois de prison avec sursis pour des "violences" sur son épouse. Il a été suspendu pour quatre mois du groupe des députés LFI, jusqu'au 13 avril, et siège en tant que député non inscrit en attendant.

Sa première intervention en séance, début février sur les retraites, a provoqué des réactions diverses: des proches l'ont applaudi, tandis que des élues de la Nupes ont quitté l'hémicycle et des députés de la majorité présidentielle ont crié au "scandale" et à "la honte".

"Des faits vous percutent et interpellent nos concitoyens", justifie Aurore Bergé, qui veut une "exemplarité des élus" et met "chacun devant ses responsabilités" en vue du vote sur la proposition de loi.

Elle vise à étendre la peine complémentaire obligatoire d'inéligibilité à une série de violences aggravées: celles commises sur un mineur de moins de 15 ans, une personne vulnérable, le conjoint, avec une arme, ou encore en cas de motivation raciste.

"Grandes réserves" du MoDem et d'Horizons

Les cas concernés par le texte sont ceux où les violences ont entraîné une incapacité totale de travail inférieure ou égale à 8 jours, ou pas d'ITT - la loi prévoit déjà une peine d'inéligibilité obligatoire pour cinq ou dix ans pour les violences ayant provoqué une ITT de plus de 8 jours.

"La seule question posée est: est-ce que oui ou non les personnes condamnées méritent ou pas de se présenter aux suffrages des Français?", répond Aurore Bergé à ceux qui l'accusent de vouloir une loi "anti-Quatennens".

Elle est assez sereine quant à l'adoption du texte en première lecture mardi soir, malgré une levée de boucliers la semaine dernière en commission contre le principe d'"un fait divers = une loi".

"Mais cela va être dur d'assumer de voter contre" la proposition Bergé, glisse-t-on au sein du groupe Renaissance.

Reste que les alliés Horizons et Modem ont fait part de leurs "plus grandes réserves". Les premiers s'étaient abstenus sur ce texte en commission, quand les seconds avaient finalement voté pour.

"Individualisation des peines à géométrie variable"

Les députés du parti d'Édouard Philippe gardent en mémoire l'attitude des élus Renaissance lors de leur niche parlementaire, présentée la semaine passée. Les élus de la formation présidentielle avaient refusé de voter favorablement une de leurs propositions de loi, consistant à punir plus sévèrement la récidive. Ils avaient justifié leur décision au nom de la non-automatisation des peines. En retour, les membres d'Horizons avaient dénoncé des "coups tordus".

“Sur le fond, on serait susceptible de ressortir les mêmes (arguments) que ceux utilisés par Renaissance la semaine dernière contre notre PPL sur les peines planchers”, prévient Laurent Marcangeli, patron des députés Horizons, dans Politico ce mardi.

La newsletter politique a par ailleurs relevé un tweet ironisant sur l'apparente contradiction d'Aurore Bergé, qui a été relayé par des militants d'Horizons. Dans celui-ci, un avocat dénonce une "individualisation des peines à géométrie variable".

"Grossière et dangereuse instrumentalisation"

Du côté des Républicains, le député Ian Boucard dénonce un "coup de communication". Pour lui, Adrien Quatennens "doit être battu dans les urnes". "Nous ne devons jamais céder à la dictature de l'émotion", estime de son côté Pascale Bordes (RN), députée du Rassemblement national.

Les députés de gauche ont également dit leurs réticences en commission. Danièle Obono (LFI) a été la plus virulente pour pointer "une grossière et dangereuse instrumentalisation de la justice et de la lutte contre les violences faites aux femmes à des fins bassement politiciennes".

Alors que chaque camp se renvoyait des cas de députés ou ministres sous enquête, Aurore Bergé a lancé: "On doit tous balayer devant (notre) porte." Elle a rappelé que la proposition de loi, si elle est adoptée par le Parlement, ne sera pas rétroactive et ne s'appliquera donc pas à Adrien Quatennens.

Une poignée d'amendements seront discutés ce mardi, venant pour la plupart des écologistes. Ils relaient notamment une demande d'une association féministe, l'Observatoire des violences sexistes et sexuelles en politique, d'étendre la peine obligatoire d'inéligibilité aux violences psychologiques.

Article original publié sur BFMTV.com