L'armée iranienne prête à agir contre "la sédition"

L'armée iranienne se tient prête si nécessaire à aider les forces de police à faire face aux manifestants antigouvernementaux, a averti jeudi son commandant en chef, bien que la "sédition" ait, selon lui, été "étouffée dans l'oeuf". /Photo prise le 3 janvier 2018/REUTERS/Tasnim News Agency

DUBAI (Reuters) - L'armée iranienne se tient prête si nécessaire à aider les forces de police à faire face aux manifestants antigouvernementaux, a averti jeudi son commandant en chef, bien que la "sédition" ait, selon lui, été "étouffée dans l'oeuf".

"Bien que cette sédition aveugle soit si modeste qu'une partie des forces de police ait pu l'étouffer dans l'oeuf (...), soyez assurés que vos camarades de l'armée de la République islamique sont prêts à affronter les dupes du Grand Satan (les Etats-Unis)", a déclaré le général Abdolrahim Mousavi, cité par les médias publics.

Les gardiens de la Révolution, corps d'élite des forces armées, ont été déployés mercredi dans trois provinces pour mettre fin aux manifestations, sans précédent depuis celles de 2009 contre la réélection de Mahmoud Ahmadinejad à la présidence, qui ont fait au moins 21 morts depuis jeudi dernier.

Leur commandant, le général Mohammad al Jafari, a estimé lui aussi que le mouvement de contestation touchait à sa fin, au vu notamment de la mobilisation de dizaines de milliers de partisans du gouvernement.

Jeudi, des rassemblements en faveur du gouvernement ont été de nouveau organisés dans plusieurs centres urbains, notamment à Mashhad, deuxième ville d'Iran d'où est partie la vague de contestation il y a une semaine.

Des milliers de partisans du régime, portant des portraits du guide suprême de la Révolution iranienne, l'ayatollah Ali Khamenei, et des bannières proclamant "Mort aux séditieux", ont défilé dans les rues, selon des images diffusées par la télévision publique.

La Russie a appelé jeudi les Etats-Unis à ne pas s'ingérer dans les affaires intérieures de l'Iran, selon l'agence de presse Tass, qui cite le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Riabkov.

Moscou juge la demande de Washington, qui souhaite une réunion d'urgence de Conseil de sécurité de l'Onu sur ce sujet, "nocive et destructive". "Les affaires intérieures de l'Iran n'ont rien à voir avec le rôle du Conseil de sécurité des Nations unies", a estimé Sergueï Riabkov. Le porte-parole du président turc Recep Tayyip Erdogan a également mis en garde contre toute ingérence dans les affaires intérieures iraniennes.

Sur Twitter, Donald Trump a promis mercredi que les Etats-Unis soutiendraient "le moment venu" ceux qui manifestent en Iran. "Respect pour le peuple d'Iran qui essaie de faire reculer son gouvernement corrompu. Vous verrez un grand soutien de la part des Etats-Unis le moment venu!", a écrit le président américain.

Dans un communiqué diffusé jeudi, le département d'Etat condamne "dans les termes les plus fermes" les violences et les arrestations, et assure que Washington dispose de "toute l'autorité nécessaire" pour faire en sorte que les responsables en répondre. "Que les victimes du régime sachent qu'elles ne seront pas oubliées", ajoute-t-il.

POURSUITE DES MANIFESTATIONS

Les autorités iraniennes ont imputé la mort de plusieurs manifestants à des "agents étrangers" et les partisans du régime attribuent la responsabilité des troubles aux Etats-Unis, à Israël et au Royaume-Uni.

Niant tout essoufflement du mouvement, l'avocate iranienne Shirin Ebadi, lauréate du prix Nobel de la paix exilée à Londres, a invité Washington et la communauté internationale à soutenir la contestation et prôné la multiplication des actes de désobéissance civile.

Selon l'agence Ilna, les restrictions d'accès au réseau social Instagram utilisé par les manifestants ont été levées. En revanche, l'accès à la messagerie Telegram reste bloqué.

Une vidéo mise en ligne sur un réseau social montrait une manifestation mercredi soir à Khorramabad dans le sud-ouest du pays. Des manifestants lançaient des pierres sur les forces de l'ordre contraintes de se replier.

D'autres vidéos font apparaître plusieurs centaines de personnes descendues dans les rues d'Orumiyeh, localité proche de la frontière turque, pour scander des slogans antigouvernementaux.

Des manifestants ont incendié une banque à Ahvaz, capitale de la province du Khuzestan dotée d'importantes ressources pétrolières.

Aucune de ces vidéos n'a pu être authentifiée par Reuters.

D'après le ministre iranien de l'Intérieur, Abdolreza Rahmani Fazli, cité par l'agence de presse des étudiants Isna, "pas plus de 42.000 personnes ont participé aux manifestations".

(Michael Georgy, Denis Pinchuk à Moscou, Ezgi Erkoyun et Ali Kucukgocmen à Ankara, Julie Carriat et Jean-Philippe Lefief)