L'armée irakienne reprend aux Kurdes le contrôle de Kirkouk

par Maher Chmaytelli et Mustafa Mahmoud

BAGDAD/KIRKOUK (Reuters) - Les forces irakiennes ont repris lundi aux Kurdes le contrôle de la ville de Kirkouk, dans le nord de l'Irak, à l'issue d'une opération surprise menée en moins d'une journée.

Il s'agit d'une réponse au référendum d'autodétermination organisé le 25 septembre dans la région autonome du Kurdistan irakien, où les électeurs se sont massivement prononcés pour l'indépendance.

Après avoir occupé durant la nuit et dans la matinée plusieurs points stratégiques autour de la ville, l'armée irakienne est entrée dans Kirkouk.

Venant de l'aéroport à bord d'une douzaine de véhicules, des hommes du Service du contre-terrorisme (CTS), une unité d'élite formée par les Américains, ont occupé dans l'après-midi le bâtiment du gouvernement local dans le centre-ville, a constaté un journaliste de Reuters. Le drapeau kurde, qui flottait près du drapeau irakien, a été amené.

Aucun bilan officiel de cette opération n'a été donné. Selon une organisation humanitaire sur place, plusieurs combattants kurdes, les peshmergas, et membres des forces irakiennes ont été tués dans la nuit de dimanche à lundi lors d'un affrontement au sud de la ville, seul accrochage notable à avoir été signalé.

Des civils kurdes ont fui cette ville d'un million d'habitants, de crainte de représailles. Des milliers de Turkmènes, opposés à la mainmise des Kurdes sur Kirkouk, ont manifesté leur joie dans les rues, brandissant des drapeaux irakiens.

LES KURDES MENACENT

Le gouvernement de Bagdad a affirmé que ses troupes avaient rencontré peu de résistance et a exhorté les peshmergas à se ranger sous sa bannière.

Mais dans un communiqué les peshmergas ont réagi en affirmant que le gouvernement irakien allait "payer cher" cette opération "de guerre contre le peuple du Kurdistan".

Ils accusent par ailleurs un groupe de l'Union patriotique du Kurdistan (UPK), opposé au président kurde Massoud Barzani, d'avoir "trahi" en aidant les forces irakiennes dans leur progression.

Si Bagdad affirme qu'il n'y a pratiquement pas eu de combats et que les peshmergas se sont retirés, les Kurdes ont fait état de heurts au sud de Kirkouk entre leurs combattants et les Unités de mobilisation populaire, des milices chiites soutenues par l'Iran.

Washington, qui arme et entraîne les forces irakiennes comme les peshmergas dans la lutte contre l'Etat islamique, a appelé les deux parties "à cesser immédiatement les opérations militaires".

"L'Etat islamique reste le véritable ennemi de l'Irak et nous exhortons toutes les parties à continuer à se battre pour achever la libération du pays et se débarrasser de cette menace", précise dans un communiqué l'ambassade des Etats-Unis à Bagdad.

PRODUCTION PÉTROLIÈRE SUSPENDUE

"Nous continuons de soutenir un Irak unifié", a déclaré à Washington la porte-parole du département de la Défense, Laura Seal.

"En dépit de la décision unilatérale et regrettable du gouvernement autonome kurde d'organiser un référendum, le dialogue reste la meilleure option pour désamorcer les tensions actuelles", a-t-elle ajouté, soulignant que Washington était opposé à toute violence.

Bayan Sahmi Rahman, représentant du gouvernement autonome kurde à Washington, a appelé les Etats-Unis à user de leur influence "pour empêcher la guerre".

Kirkouk, une cité où cohabitent Kurdes, Arabes et Turkmènes, était depuis 2014 sous le contrôle des combattants kurdes. La ville est située juste en dehors du territoire du Kurdistan autonome mais les Kurdes estiment qu'elle appartient à leur région.

La télévision irakienne rapporte par ailleurs que l'armée est entrée dans la ville de Touz Khourmato, où se sont produits par le passé des affrontements entre Kurdes et chiites turkmènes.

La production a été suspendue dans les gisements pétroliers proches de Kirkouk mais Bagdad a assuré qu'elle reprendrait très prochainement.

"Nous ne pouvons pas tolérer qu'on arrête ainsi la production. D'ici peu, nos forces vont reprendre le contrôle de tous les champs pétroliers de Kirkouk et la production reprendra immédiatement", a dit un responsable irakien.

(Avec Ahmed Rasheed à Bagdad; Julie Carriat, Eric Faye et Guy Kerivel pour le service français)