L'Arabie saoudite veut prendre ses distances avec les Etats-Unis
par Amena Bakr DOHA (Reuters) - Le chef des services de renseignement saoudiens a déclaré que son pays allait "prendre ses distances" avec les Etats-Unis en raison de leur passivité à l'égard de la situation en Syrie et de leur détente apparente avec l'Iran, a-t-on appris mardi de source proche du pouvoir saoudien. Le prince Bandar bin Sultan a tenu ces propos devant des diplomates européens, a précisé cette source selon laquelle cette évolution aura des conséquences importantes sur les relations entre les deux alliés, notamment dans les domaines des ventes d'armes et du commerce du pétrole. Le prince Bandar a jugé que les Etats-Unis restaient impuissants face au conflit israélo-palestinien et qu'ils auraient dû soutenir l'Arabie saoudite lorsque cette dernière est intervenue à Bahreïn pour y réprimer des manifestations antigouvernementales en 2011, a-t-on ajouté de même source. Cette "prise de distance vis-à -vis des Etats-Unis est importante (...) L'Arabie ne veut plus se trouver dans une situation de dépendance", a-t-on ajouté. "Le prince Bandar a dit aux diplomates qu'il prévoyait de limiter les échanges avec les Etats-Unis, cela après que les Etats-Unis se sont montrés incapables de mener une action efficace sur la Syrie et sur la Palestine." "Les relations avec les Etats-Unis se détériorent depuis un moment car les Saoudiens ont le sentiment que les Américains se rapprochent de l'Iran et aussi parce que Washington n'a pas soutenu l'Arabie saoudite durant le soulèvement à Bahreïn." "Toutes les options sont sur la table", a dit la source saoudienne. UN FAUCON La source a refusé de fournir de plus amples détails sur cette rencontre entre le prince Bandar et des diplomates européens, qui a eu lieu ces derniers jours. Les Etats-Unis et l'Arabie saoudite sont alliés depuis la naissance du royaume wahhabite en 1932. Cette alliance a fourni à Ryad un puissant protecteur et les Américains ont pu de leur côté compter sur le pétrole saoudien. Autre signe du mécontentement saoudien, le royaume a annoncé vendredi qu'il refusait d'occuper son siège au Conseil de sécurité de l'Onu pour dénoncer notamment la gestion du conflit syrien par la communauté internationale. Le prince Bandar, qui a été ambassadeur aux Etats-Unis pendant vingt-deux ans, est considéré comme un "faucon" en politique étrangère, notamment face à l'Iran chiite, et la guerre en Syrie a attisé les tensions entre les deux pays. Fils du défunt prince héritier Sultan et protégé de l'ancien roi Fahd, il a connu une période de défaveur après s'être heurté au roi Abdallah en 2005 sur des questions de politique extérieure. Il est revenu sur le devant de la scène l'an dernier avec le conflit syrien, dit-on de source diplomatique. Il a supervisé les fournitures d'armes aux insurgés syriens tandis que son cousin le prince Saoud al Fayçal menait les contacts diplomatiques en vue de soutenir la rébellion et faire tomber Bachar al Assad. L'Arabie saoudite est le premier pays exportateur de pétrole et sa banque centrale détient environ 690 milliards de dollars d'actifs étrangers, en grande partie des bons du Trésor américain. Avec Angus McDowall, Bertrand Boucey et Guy Kerivel pour le service français