"Ensemble citoyens": la maison commune vire au bras de fer entre Edouard Philippe et François Bayrou

Richard Ferrand, Édouard Philippe et François Bayrou, le 30 mars 2019 à Paris - STEPHANE DE SAKUTIN / AFP
Richard Ferrand, Édouard Philippe et François Bayrou, le 30 mars 2019 à Paris - STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

Le dîner a été long mais fructueux. Après plus de 4 heures de discussion ce mercredi soir, les dirigeants de la majorité présidentielle se sont entendus pour lancer un nouveau mouvement, "Ensemble citoyens". Chère à François Bayrou, cette "maison commune" est regardée avec circonspection par Édouard Philippe, qui a obtenu gain de cause sur plusieurs sujets sensibles.

Autour de la table de cette soirée à l'Hôtel de Lassay, Richard Ferrand, le président de l'Assemblée nationale, Christophe Castaner, le patron des députés LaREM, François Patriat, le président du groupe macroniste au Sénat, ou encore Olivier Becht, qui dirige le groupe Agir au Palais-Bourbon. Mais l'attention a tourné principalement autour de deux autres invités aux relations tendues: l'ancien Premier ministre d'Emmanuel Macron et le patron du MoDem.

Un anniversaire qui pose problème

C'est le centriste qui semble avoir remporté la partie à l'issue du repas en obtenant donc la création d'une association réunissant LaREM, le MoDem, Agir et Horizons, le tout jeune parti de l'ancien Premier ministre. Avec un objectif en tête: pouvoir afficher un seul candidat par circonscription pour les prochaines législatives.

Mais cet accord ne doit pas cacher les réticences d'Édouard Philippe. Plusieurs impairs ont par ailleurs mis le maire du Havre dans de mauvaises dispositions.

Il a en effet a eu la surprise de découvrir par voie de presse que la date de lancement de ce mouvement devait avoir lieu le 28 novembre prochain. Problème: c'est le jour de son... anniversaire. Évoquer la question des législatives n'est pas non plus à l'agenda de l'édile.

Bras de fer

Et pour cause: le MoDem et Horizons ont des intérêts opposés. D'un côté, François Bayrou craint que son parti ne soit lésé lors de l'attribution de circonscriptions gagnables au profit de l'ancien Premier ministre. Le maire de Pau estime "avoir été très loyal au président pendant tout le quinquennat", confiait un député centriste auprès de BFMTV.com en octobre dernier.

De l'autre, le Havrais "se voit comme celui qui va peser dans le prochain quinquennat par le biais d'un futur groupe à l'Assemblée. Il fait très attention à ce que Bayrou ne récolte pas trop d'attention... et de députés à la fin", expliquait à BFMTV.com un député de l'aile droite de la majorité.

Un lancement modeste

L'ancien Premier ministre attend également de voir le jeu se clarifier à droite dans l'espoir de faire monter les enchères. Pas question donc de s'engager trop tôt dans les négociations.

Édouard Philippe a finalement eu gain de cause, d'abord sur la structure choisie. Ce ne sera pas un parti politique mais une association. La différence peut sembler ténue mais elle signifie que ce que "rapporte" chaque député à son parti politique, par le biais des règles de financement, ira directement à son propre parti et non à la maison commune.

Pour les candidats élus aux législatives, l'aide publique est de 37.280 euros par député, soit plus d'un million d'euros par an quand un parti dépasse le nombre de 25 députés, rapporte ainsi France 3. L'ancien locataire de Matignon a également gagné la partie sur la date de lancement d'Ensemble citoyens, qui devrait avoir lieu la semaine du 29 novembre.

Un message d'unité

"Ce ne sera pas forcément un gros meeting. Quel intérêt? Les Français s'en tapent!", estime l'un des participants du dîner auprès de BFMTV.

Peut-être bien, mais la macronie veille cependant à que ce raout ne passe pas sous les radars médiatiques. Début décembre aura lieu le congrès des LR, qui désignera le candidat à la présidentielle de la droite puis la probable déclaration de candidature d'Eric Zemmour. "Il faut qu'on lance notre mouvement avant", décrypte donc l'un des présidents de groupe de la majorité présidentielle.

Autre débat de la soirée: le nom de cette future maison commune. Si "Ensemble citoyens", le nom proposé par François Bayrou, est pour l'instant retenu, cela pourrait encore évoluer. "Ensemble, c'est un truc classique en politique. Ca fait un peu tarte à la crème", juge l'un des participants au dîner.

"Il nous a même présenté un logo sur son smartphone. C'était un brin prématuré, il s'est un peu emballé" s'amuse également un convive.

L'empressement du patron du Modem aura le mérite de permettre à LaREM d'afficher un visage uni alors que la droite et la gauche devraient chacune présenter plusieurs candidats à la présidentielle. Et de mettre en scène un mouvement en ordre de marche à 5 mois du scrutin.

Article original publié sur BFMTV.com