Lampedusa : quel est ce pacte migratoire européen, au centre des débats avec la crise en Italie ?

Victor Orban, reçu à l'Elysée le 11 octobre 2019, n’est pas sur la même ligne qu’Emmanuel Macron au sujet de la solidarité européenne dans le dossier migratoire.
Benoit Tessier via Reuters

POLITIQUE - Lampedusa, centre de l’Union européenne. La petite île italienne située à moins de 150 kilomètres du littoral tunisien se retrouve, une nouvelle fois, au cœur de l’actualité nationale et européenne depuis l’arrivée, en début de semaine dernière, de 8 500 migrants sur ses côtes.

Une situation qui provoque d’intenses tractations diplomatiques entre les pays membres et relance l’épineux débat sur le partage des responsabilités au sein de l’Union. Au cœur de ces enjeux : le pacte européen sur l’asile et les migrations, censé organiser la répartition des réfugiés entre les 27. Alors que la ministre française des Affaires étrangères, Catherine Colonna jugeait « impératif », vendredi sur LCI, que les longues négociations se terminent « avant la fin de l’année », certaines forces d’extrême droite font de la résistance.

En France, Marine Le Pen et Eric Zemmour ne perdent pas une occasion de brocarder ce projet. Samedi, la cheffe de file du Rassemblement national a fustigé « les sanctions financières » qui « demain seront imposées (...) aux pays récalcitrants (à accueillir des réfugiés) », lors de sa rentrée politique dans le Sud. « Une honte », selon elle. Ce dimanche le président de Reconquête, Eric Zemmour, dont la tête de liste aux Européennes Marion Maréchal a été l’une des premières responsables politiques à se rendre à Lampedusa, a dit « refuser cet accord ». « Si la France refuse cet accord, il n’y a plus d’accord », a-t-il affirmé sur BFMTV.

Que prévoit ce pacte ?

Mais de quoi parle-t-on ? D’une réforme attendue, qui peine à aboutir depuis trois ans. Présenté en septembre 2020 par la Commission européenne, qui promettait alors de mettre fin au règlement décrié dit Dublin, ce pacte sur l’asile et les migrations « n’a jamais été aussi proche » d’aboutir, selon les mots d’Ursula von der Leyen mercredi dernier. De fait, les ministres de l’Intérieur des 27 sont parvenus début juin à un accord à la majorité qualifiée qui prévoit un système de solidarité obligatoire mais « flexible » dans la prise en charge des demandeurs d’asile. Une percée sur un dossier bloqué depuis des années.

Dans le détail, cet accord, encore préliminaire puisqu’il est actuellement négocié avec le Parlement européen, prévoit que les États membres doivent accueillir un certain nombre de demandeurs arrivés dans un pays de l’UE soumis à une pression migratoire. Ou à défaut d’apporter une contribution financière équivalente à 20 000 euros par réfugié non relocalisé.

La réforme prévoit aussi un règlement dit de « filtrage » qui aurait pour but de mieux identifier les demandeurs d’asile des autres migrants qui se présentent illégalement aux frontières de l’Union, ainsi qu’une simplification de la procédure pour rediriger plus rapidement les personnes déboutées du droit d’asile.

Pourquoi cela coince-t-il ?

Problème : les dirigeants nationalistes polonais et hongrois, dont Eric Zemmour et Marine Le Pen se font le relais en France, opposent une farouche résistance au projet. Au contraire de la dirigeante italienne Giorgia Meloni, à la tête d’une coalition d’extrême droite, laquelle apparaît satisfaite des contours d’une réforme réclamée depuis longtemps.

Sur la forme, le duo dénonce l’adoption préliminaire du texte à la majorité qualifiée, et non à l’unanimité. « Nous étions convenus auparavant à plusieurs reprises que, comme la question de la migration nous divise profondément, nous ne pouvions accepter de règle que si nous sommes tous d’accord », a expliqué le Premier ministre hongrois Viktor Orban à la presse lors d’un sommet européen cet été. Ce à quoi le dirigeant espagnol Pedro Sánchez - dont le pays occupe la présidence tournante de l’UE jusqu’au 31 décembre - lui répond que les procédures correspondent aux règles des traités.

Sur le fond, surtout, les dirigeants polonais et hongrois ne goûtent guère au mécanisme voulu par la Commission. Le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki a même annoncé en août la tenue d’un prochain référendum sur cette nouvelle politique européenne. En juin, Viktor Orban fustigeait pour sa part un accord « inacceptable » destiné à « transformer par la violence la Hongrie en un pays de migrants. »

Avant la crise à Lampedusa, le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez avait fait du bouclage de cette réforme un objectif d’ici la fin de l’année. Reste désormais à savoir si les événements survenus en Italie seront de nature à accélérer les choses, pour une meilleure répartition des réfugiés entre pays membres, ou à les bloquer davantage.

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