Lampedusa : droite et extrême droite utilisent le drame pour mettre la pression sur Emmanuel Macron

Des migrants retenus dans un "Hotspot" de l’île italienne de Lampedusa jeudi 14 septembre.
ALESSANDRO SERRANO / AFP

POLITIQUE - Une course à l’échalote sur fond de drame humanitaire. Alors que l’île italienne de Lampedusa, porte d’entrée pour nombre de migrants en provenance du continent africain, fait face à un afflux record avec l’accueil de 7 000 personnes en 24 heures (saturant les capacités de l’île), plusieurs responsables politiques français se saisissent des événements pour alerter sur une immigration « hors de contrôle » qui menacerait la France.

Et, par ricochet, mettre la pression sur Emmanuel Macron, alors que le projet de loi sur l’immigration est attendu pour l’automne, et que plusieurs élus de la majorité poussent pour une régularisation des sans-papiers dans les métiers en tension.

En pôle sur l’instrumentalisation de la situation, Marion Maréchal, tête de liste Reconquête !, s’est rendue sur place pour « se rendre compte de cette situation catastrophique et apporter son soutien à l’Italie », a expliqué son entourage. Depuis l’île italienne, et alors que c’est bien son alliée d’extrême droite Giorgia Meloni qui est au pouvoir à Rome, Marion Maréchal a d’abord accusé l’Union européenne d’avoir « abandonné » les Italiens face à cette situation. Puis elle a surtout déroulé le discours « civilisationnel » d’Éric Zemmour, en expliquant que l’Europe faisait l’objet d’une « submersion migratoire » qui menacerait le peuple européen.

« La politique de manière charognarde »

« Nous sommes 500 millions d’Européens au sein de l’Union européenne. Il y aura bientôt plus d’habitants au Nigéria que dans l’ensemble du continent européen. En 2050 il y aura plus de deux milliards d’Africains. En parallèle de ça nous ne ferons plus d’enfants », a déploré sur place la tête de liste Reconquête ! aux élections européennes, évoquant le risque d’une « bascule culturelle, civilisationnelle et sécuritaire irrémédiable ».

Un discours et une posture qui ont rapidement fait bondir au sein de la Macronie. « Permettez-moi de dire mon indignation par rapport à l’attitude de Marion Maréchal Le Pen », a réagi sur Europe 1 Agnès Pannier-Runacher, ministre en charge de la transition énergétique. « On ne fait pas de la politique de manière charognarde. On ne se met pas en scène devant des malheureux qui ont traversé la Méditerranée au péril de leur vie » , a regretté la ministre, assurant que la France agissait avec « humanisme » et « fermeté ».

Du côté du Rassemblement national, et faute de pouvoir envoyer des élus sur place en raison de la rentrée parlementaire du parti d’extrême droite débutant ce vendredi à Avignon, Jordan Bardella a demandé au chef de l’État de s’assurer qu’aucun des migrants débarqués sur l’île ne puisse rejoindre la France. « Pour lui qui a dit vouloir ’réduire significativement’ l’immigration, c’est le moment de vérité », a-t-il surenchéri.

Un discours proche de celui tenu par le président des Républicains Éric Ciotti, qui a demandé au chef de l’État « d’engager des moyens civils et militaires sans précédents pour protéger nos frontières » à la suite de ces arrivées massives. « Face à l’urgence, nous demandons au président de la République de convoquer un référendum sur l’immigration d’ici à la fin de l’année par le biais de l’article 89 de la Constitution », a-t-il affirmé dans un second temps, via une déclaration faite à l’AFP.

Une réunion convoquée par Darmanin

Face à la situation, et alors que ce dossier est un sujet de tensions entre la France et l’Italie, Gérald Darmanin réunit ce vendredi 15 septembre une réunion « sur la situation migratoire italienne, à la suite des événements survenus à Lampedusa ». Le ministre de l’Intérieur avait fait savoir que les moyens supplémentaires pour lutter contre l’immigration illégale entre la France et Italie allaient être renforcés, ses services constatant « une augmentation de 100 % des flux ».

Alors que l’Allemagne a décidé de suspendre l’accueil de demandeurs d’asile venant d’Italie pourtant prévu par les accords européens, en raison du refus de Giorgia Meloni d’appliquer ces mêmes accords, le ministère de l’Intérieur n’a pas indiqué si cette politique de réciprocité serait aussi appliquée en France.

Habituellement, l’exécutif plaide pour une réponse européenne à la crise migratoire. Une solution également préconisée par le leader de Place publique Raphaël Glucksmann. « Si à chaque fois qu’il y a une pression, on commence à se désolidariser entre pays européens, ce qu’on va faire, c’est l’implosion de l’Union européenne », a-t-il déclaré ce vendredi sur France Inter, appelant la France à porter une initiative en ce sens.

En attendant, la Macronie raille les critiques émises par le RN et Reconquête !. « Sur l’immigration comme sur le reste, l’extrême droite est une supercherie. Vos amis Meloni et Salvini sont débordés à Lampedusa, incapables de gérer quoi que ce soit », a réagi sur X (ex-Twitter) Charles Sitzenstuhl, député Renaissance du Bas-Rhin.

« Lampedusa n’est que le reflet de ce qui se passe quand l’extrême droite arrive au pouvoir. C’est ça la vérité. Pensée à tous ces migrants qui ont fui la misère parfois au péril de leur vie. La réponse à cela est européenne tant sur le régalien que sur l’humanisme dont nous devons tous faire preuve », a renchéri sa collègue des Yvelines, Nadia Hai.

Interrogé sur ce dossier en marge de son déplacement à Semur-en-Auxois (Côte-d’Or), Emmanuel Macron a défendu  un « devoir de solidarité européenne » avec l’Italie. Pour autant, le chef de l’État a estimé que la situation démontre l’inefficacité des solutions proposées par l’extrême droite :  « les approches strictement nationalistes ont leurs limites ». Une façon de critiquer à la fois les positons de Giorgia Meloni, comme celles du RN, de LR et de Reconquête ! dans l’hexagone.

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