Lambert Wilson et ses traumatismes d'enfance : de bouleversantes confidences...

Au mois de mai, lors du festival de Cannes, Lambert Wilson défendait deux films en compétition : La Princesse de Montpensier de Bertrand Tavernier, et Des hommes et des dieux de Xavier Beauvois, grand prix du jury cannois. Parallèlement à ce bonheur cinématographique, accentué quelques mois plus tard par l'immense succès au box-office de Des Hommes et des dieux, le comédien a vécu la mort de son père Georges Wilson, personnalité phare du théâtre. Entre douleur et confessions, Lambert Wilson, qui avait déjà évoqué son "burn-out", offre au magazine Psychologies une rencontre bouleversante, abordant sa relation avec sa famille avec une émotion puissante. Extraits. Face à la mort Georges Wilson décède au mois de février 2010 à l'âge de 88 ans, un an après la mort de son épouse et mère de Lambert Wilson. Ce dernier raconte comment il a fait face à ces épreuves, lui qui était "incroyablement lié" à ses parents : "Quand ma mère est morte, j'ai voulu être aussitôt un chef de famille, m'occuper de mon père âgé. Je ne me suis pas autorisé le chagrin. Ni pour mon père ensuite." Cette réaction s'explique car il dit avoir pris très précocement conscience du fait qu'ils allaient partir un jour : "J'ai le sentiment d'avoir passé ma vie à m'y préparer." Il s'est aussi imaginé, alors que sa mère était atteinte du cancer et que son père était âgé, ce que leur mort lui ferait : "Et cela ne me faisait rien. En vérité, je ne me suis toujours pas écroulé. [...] Je me sens comme une huître très fermée." Le prince et le vilain petit canard Au fil de l'entretien, Lambert Wilson relate sa relation avec les membres de sa famille, son père, cet "ennemi dangereux", sa mère, dont il était "le confident". Quant à son frère, musicien de jazz, il ne souhaite pas s'étendre sur "leurs rapports complexes". Néanmoins, il montre à quel point il était différent, et traité différemment de son frère aîné. Pour ses parents, ils étaient tous deux les garçons, une entité, mais l'acteur précise : "Sauf qu'il y en avait un qui avait un an et demi de moins, et qui était plus fragile physiquement. Il a fallu que je lutte bec et ongles pour prendre une place. Et pour me faire aimer. Mon père était fou amoureux de mon frère. Il était son prince et moi le vilain petit canard." C'est alors que le comédien évoque un douloureux souvenir de son enfance : "J'ai 4 ans, mes parents ont organisé une course à bicyclette entre mon frère et moi. Sauf que moi, j'ai un tricycle, et mon frère, plus doué, un vélo de course. La voiture de mes parents nous devance, ma mère au volant, mon père dans le coffre, nous filmant. [...] Et puis il commence à accélérer, arrive tout près de la voiture, ils vont de plus en plus vite et moi je suis distancé." En regardant depuis le film de cette course, il se voit ivre de rage et de peur parce qu'il a été "trahi", "abandonné" et s'est senti "humilié." Autre blessure : le fait de ne pas avoir été baptisé. Alors qu'il dit "Il y a un homme de foi en moi", ses parents baptisent son frère et pas lui, sous prétexe qu'ils n'avaient pas pu réunir son parrain et sa marraine. "Pour moi, c'était encore la preuve que j'étais moins digne d'intérêt que mon frère. J'ai fini par me faire baptiser par l'abbé Pierre, à la trentaine [Il a incarné cette figure religieuse dans le film Hiver 54, NDLR]." Face à ses parents, fervents anti-cléricaux, il a préféré ne rien dire. Son père, cet ennemi bouleversant De son père, Lambert Wilson fait une fois de plus un portrait à la fois fascinant et terrifiant. Proche de sa mère, l'acteur a voulu la protéger de cet "homme qui la faisait beaucoup souffrir", mais il ne pouvait rien faire, "parce qu'elle était follement amoureuse de son bourreau". Avec son père, il n'est pas tendre mais franc : "Je l'ai très souvent considéré comme un ennemi dangereux, mais je le trouvais en même temps bouleversant, par ses douleurs et ses blessures. Et puis c'était un compagnonnage d'une grande qualité intellectuelle [...] Sa mort crée un énorme vide." Lorsqu'il a voulu se lancer dans la comédie, lui qui se décrit comme ayant été un enfant "avec des dents de lapin, un cheveu sur la langue, gros et pas sportif" qui voulait être "pris pour quelqu'un de beau", son père ne s'est pas réjoui : "Cela a ravivé des blessures archaïques. [...] Moi j'avais été élevé à l'abri du besoin et les rôles de jeune premier semblaient me tomber tout cuits dans la bouche." Les preuves de tendresse de son père sont rares. Quand il l'a dirigé au théâtre ou au cinéma, il "daignait le complimenter", et quand il chantait : "Sur un plateau, ça le bluffait. D'abord parce qu'il adorait la musique, et voir ses deux fils évoluer dans cet univers lui faisait chaud au coeur. Et parce que c'est une chose qu'il n'aurait jamais osé faire." Cependant, il est resté très critique à son égard, "méchant même" : "Quand j'ai mis en scène Fanny Ardant dans un spectacle [Music Hall] dont j'étais assez fier, il m'a passé un savon devant tout le monde. Il fallait toujours qu'il fasse ma mise à mort en public." Retrouvez l'intégralité de cet entretien dans le magazine Psychologies du mois de décembre 2010.