L'affaire Benalla paralyse les travaux de l'Assemblée

par Elizabeth Pineau

PARIS (Reuters) - L'irruption de l'"affaire" Benalla, à la suite des révélations du Monde mercredi soir, a bouleversé les travaux d'une Assemblée nationale à l'agenda surchargé, où l'opposition a trouvé une tribune pour cibler une majorité embarrassée.

Interruptions de séance, rappels au règlement et réunions d'urgence ont perturbé jeudi et vendredi les débats, déjà très en retard sur le calendrier prévu, sur la réforme constitutionnelle.

Les travaux sont restés au point mort vendredi, l'opposition multipliant les rappels au règlement pour demander des comptes sur ce que certains ont qualifié de "scandale l'Etat", appelant une explication du Premier ministre devant la représentation nationale. et

Edouard Philippe leur a répondu après avoir assisté à une étape du Tour de France à Valence (Drôme), renvoyant aux questions au gouvernement de mardi "ou avant, dès lors que dans le cadre des procédures normales on me demandera de m'exprimer".

Dans une lettre, le président du groupe Les Républicains (LR), Christian Jacob, lui a demandé de faire "une déclaration" à l'Assemblée au titre de l'article 50-1 de la Constitution.

Quant au président de LR, Laurent Wauquiez, il considère cette affaire comme "un désastre pour l'autorité" d'Emmanuel Macron. "Le vrai scandale, ça n'est pas Benalla, c'est l'Élysée, l'Élysée qui fait le choix de la dissimulation", déclare-t-il dans un entretien au Figaro.

La ministre de la Justice, Nicole Belloubet, a fait savoir que son collègue de l'Intérieur Gérard Collomb, dont le rôle dans cette affaire est l'objet de spéculations, répondrait à la commission des Lois de l'Assemblée constituée en commission d'enquête après une démarche engagée dans l'urgence jeudi soir.

COLLOMB S'EXPLIQUERA MARDI AU SÉNAT

Une première réunion du bureau visant à organiser le travail de cette commission n'a débouché sur aucun accord vendredi soir, a fait savoir la présidente Yaël Braun-Pivet, déplorant une "absence de sérénité". Les désaccords ont notamment porté sur la date d'audition de Gérard Collomb et sur le caractère public ou privé des auditions.

Gérard Collomb sera entendu mardi à 17h45 en séance publique au Sénat, où la commission des Lois va elle aussi être transformée en commission d'enquête pour une durée de six mois.

Ce même jour, ses rapporteurs entendront à huis clos le préfet de police de Paris, le directeur général de la police nationale, le chef du service de la protection, les représentants des organisations professionnelles de policiers, le Défenseur des droits et "toute personne susceptible d’apporter des informations utiles", a annoncé la chambre haute

A l'Assemblée, majorité et opposition ont bataillé toute la journée dans l'hémicycle sur cet unique sujet.

Discuter de la réforme des institutions "en laissant un scandale d'Etat se préparer à côté de nous. Mais êtes-vous à ce point déconnecté des réalités de notre pays ?", a lancé le député (LR) Aurélien Pradier.

Richard Ferrand, président du groupe La République en marche, a accusé l'opposition de "saboter consciencieusement, cyniquement, les travaux de l’Assemblée nationale."

A Valence, Edouard Philippe a interpellé "ceux qui, au-delà d'attendre les réponses, utilisent ces évènements et ces questions à des fins soit d'obstruction parlementaire, soit d'exploitation politique.

Le chef de file de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, a proposé le dépôt d'une motion de censure "puisque le gouvernement ne vient pas s'expliquer devant l'Assemblée". Une telle motion requiert au moins 58 signataires, soit un dixième des 577 députés.

Près de 1.500 amendements restaient à examiner dans la réforme constitutionnelle, dont l'examen devait s'achever dimanche, en vue d'un vote solennel mardi. Un calendrier qui semble désormais impossible à tenir.

Avant de partir en vacances le 1er août, les députés devaient se pencher, en deuxième lecture, sur le texte consacré à la formation professionnelle, puis sur le projet de loi "asile et immigration".

(Edité par Sophie Louet)