L'académicienne Barbara Cassin : "Je peux désormais dire les choses aussi bêtement que je le souhaite!"

Ce sont des mots qui surgissent au détour d'un livre, d'un tête‑à-tête, d'une dispute, et qui ne nous quittent plus. Des phrases d'anonymes, de poètes ou de philosophes à partir desquelles Barbara ­Cassin a composé une autobiographie où l'on croise Lacan, Heidegger, ­Badiou ou Ulysse.

En 2018, vous avez reçu la médaille d'or du CNRS et fait votre entrée à l'Académie française. La conjonction de ces deux événements a-t‑elle permis l'écriture de votre autobiographie?
Ces deux distinctions m'ont libérée du regard de mes pairs : grâce à elles, je peux dire les choses aussi bêtement que je le souhaite! De même, ce livre n'aurait pu exister sans le dialogue noué avec mon fils ­Victor. La tentation est forte, quand j'écris, de vouloir trop en dire, d'être trop philosophe et d'avoir toute l'histoire de la philosophie qui pousse derrière chaque mot. En m'adressant à mon fils, j'étais obligée d'être simple et de ne pas tordre quarante fois le sens des mots.

Dans votre livre, vous évoquez l'enfance comme le moment où l'on acquiert "la certitude de ce qu'on ne veut pas être". Quel regard portez-vous aujourd'hui sur votre parcours?
J'ai toujours fait ce que j'avais envie de faire, en saisissant par les cheveux les occasions qui se présentaient à moi. Chez les Grecs, ces occasions prennent la forme d'un beau jeune homme ailé, le kairos, dont l'arrière du crâne est chauve, ce qui incite à les saisir avant qu'il ne soit trop tard. C'est ce que j'ai fait avec joie ma vie durant. Si c'était à...


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