Le lac Crawford au Canada est la preuve que l’arrivée de l’Homme sur Terre a bouleversé l’équilibre planétaire

Des géologues du monde entier ont élu le lac Crawford, près de Toronto, comme l’incarnation physique de l’empreinte de l’homme sur la nature.

 Le lac Crawford, près de Toronto au Canada, a été choisi ce mardi 11 juillet par des géologues du monde entier comme le site de référence mondial du commencement de l’Anthropocène.
Le lac Crawford, près de Toronto au Canada, a été choisi ce mardi 11 juillet par des géologues du monde entier comme le site de référence mondial du commencement de l’Anthropocène.

ENVIRONNEMENT - L’histoire des hommes est écrite dans la glaise. Le lac Crawford, situé près de Toronto au Canada, a été choisi mardi 11 juillet par des géologues du monde entier comme le site de référence mondial du commencement de l’Anthropocène, qualifiée aussi de « l’ère des Hommes », lors du Congrès International de Stratigraphie, tenu à Lille.

Cette nouvelle époque géologique débuterait autour de la Révolution industrielle du XXIe siècle, caractérisée par l’accélération des activités humaines et le début de la destruction de la nature par l’être humain. Elle succéderait ainsi à l’Holocène, la période débutée il y a environ 12 000 ans à la fin de la dernière glaciation. Les scientifiques ont bon espoir que l’Anthropocène soit un jour officiellement reconnu comme les autres périodes de l’Histoire.

Microplastiques, pétrole, charbon et bombe nucléaire

Car justement, ce lac est le parfait exemple de l’empreinte indélébile laissée par l’homme sur la planète bleue. Les sédiments stratifiés au fond de cette petite étendue d’eau d’un kilomètre carré, chargés de microplastiques, de cendres de combustion du pétrole et du charbon, et de retombées des explosions de bombes nucléaires, constituent la meilleure preuve qu’un nouveau chapitre de l’histoire de la Terre s’est ouvert, ont conclu les membres du groupe de travail sur l’Anthropocène.

« Les données montrent un changement clair à partir du milieu du XXe siècle, amenant le système terrestre au-delà des limites normales de l’Holocène », a déclaré à l’AFP Andy Cundy, professeur à l’Université britannique de Southampton et membre du groupe de travail.

Les sédiments du lac Crawford, extraordinairement stables car les eaux en profondeur et en surface ne se mélangent pas, « reflètent le point de basculement dans l’histoire de la Terre, lorsque le système terrestre a cessé de se comporter comme il l’avait fait pendant 11 700 ans », a expliqué Francine McCarthy, professeure canadienne qui a mené les recherches sur le lac, lors d’une conférence de presse en ligne mardi.

Le lac porte la marque de l’influence humaine avant et pendant la colonisation, mais « à aucun moment il n’y a eu de changement mondialement synchrone par rapport aux évolutions de la Terre jusqu’à cette grande accélération du milieu du XXe siècle », a-t-elle expliqué.

Le lac a été choisi pour devenir l’incarnation physique de l’Anthropocène parmi une liste finale de neuf candidats, dont les sédiments d’une baie du Japon, la boue d’un cratère en Chine, les traces dans une carotte glaciaire ou celles sur des récifs coralliens.

Les bombes à hydrogène, première empreinte mondiale ?

Même si cette élection est une première étape vers l’officialisation de l’Anthropocène comme une nouvelle ère officielle, l’approbation par les autorités géologiques reste très incertaine. Des géologues de renom estiment que les critères techniques ne sont pas remplis pour qualifier l’Anthropocène de nouvelle « époque », même s’ils reconnaissent qu’une rupture s’est produite à la fin XXe siècle ou au début du XXIe siècle.

Pour retenir un site comme l’incarnation d’un changement de période géologique, les règles de l’ICS exigent d’identifier un « marqueur primaire » synchrone qui soit détectable dans les archives géologiques presque partout sur la planète. Pour l’Anthropocène, le plutonium rejeté par les essais de bombes à hydrogène fournit cette « empreinte mondiale », car il y en a très peu à l’état naturel, défend Andy Cundy.

Cela signifie néanmoins que 1952, année où les États-Unis ont fait exploser pour la première fois une énorme bombe à hydrogène dans les îles Marshall à titre d’essai, pourrait devenir le point de départ de l’Anthropocène, selon lui.

Dans les sédiments du lac Crawford, cette rupture s’observe sur seulement 15,6 centimètres, a souligné Colin Waters, président du groupe de travail, lors de la conférence de presse : « cela semble peu (..) mais cette épaisseur est suffisante pour comprendre et constate qu’un changement très important qui s’est produit au cours des années 1950 ».

Équilibres naturels rompus

« Ce vote au sein du groupe de travail est une étape de routine du plus bas niveau », a réagi auprès de l’AFP Stanley Finney, le secrétaire général de la puissante Commission internationale de stratigraphie (ICS) à laquelle le groupe doit encore soumettre les conclusions de ses travaux entamés en 2009.

« Ce n’est qu’à ce moment-là qu’ils pourront être soumis à un examen par les pairs et que les preuves et les arguments pourront être véritablement évalués », a ajouté le scientifique qui pilote cette commission chargée d’élaborer la frise découpant méthodiquement les 4,6 milliards d’années de l’histoire de la Terre en ères, périodes et époques géologiques.

Si la barre du vote à la majorité des deux-tiers de l’ICS et auparavant d’un sous-comité était franchie, les partisans de l’Anthropocène devraient encore convaincre les gardiens de l’Union internationale des sciences géologiques (IUGS), réputés intransigeants sur les modifications de la Charte chronostratigraphique internationale.

Anthropocène ou non, l’impact de l’homme sur la planète est bel est bien visible depuis le début du XXIe siècle. Les traces de l’activité humaine - microplastiques, polluants chimiques éternels, espèces invasives, gaz à effet de serre… - sont partout, du sommet des montagnes aux fonds des océans, et les désordres qu’elles engendrent sont nombreux - changement climatique, pollution, perte de biodiversité - au point de rompre les équilibres naturels du globe.

Le mois dernier, des scientifiques ont annoncé que la quantité d’eau pompée dans les réservoirs souterrains était telle que le pôle Nord géographique de la Terre s’était déplacé de près de cinq centimètres par an.

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