La Turquie dit à Washington de cesser de soutenir "les terroristes"

par Tuvan Gumrukcu

ANKARA (Reuters) - La Turquie a conseillé jeudi aux Etats-Unis de cesser "de soutenir les terroristes" s'ils voulaient éviter de se retrouver en situation de confrontation avec la Turquie en Syrie.

"Ceux qui soutiennent une organisation terroriste risquent de devenir une cible dans cette bataille", a déclaré le vice-Premier ministre turc, Bekir Bozdag.

"Il faut que les Etats-Unis revoient l'appui militaire fourni en soutien aux terroristes sur le terrain, de telle sorte que soit évitée une confrontation avec la Turquie", a-t-il ajouté dans un entretien à la chaîne de télévision A Haber.

La Turquie a confirmé mercredi vouloir prendre le contrôle de la ville de Manbij, dans le nord de la Syrie, où l'armée turque pourrait se retrouver face à face avec les soldats américains qui ont appuyé les milices arabes et kurdes dans leur lutte contre l'Etat islamique (EI) et le gouvernement syrien.

A Washington, une porte-parole du Pentagone a déclaré être au courant d'informations de presse selon lesquelles la Turquie demande aux Etats-Unis de retirer leurs hommes de Manbij, mais à sa connaissance, la position des Etats-Unis n'a pas changé sur la question.

Le Pentagone a dit ne pas constater de mouvement de combattants des Forces démocratiques syriennes (FDS) de la vallée de l'Euphrate en direction de Manbij ou d'Afrin.

Le département de la Défense a déclaré surveiller de près les fournitures d'armes aux Kurdes de Syrie, en ajoutant que des discussions avec Ankara sur cette question se poursuivaient.

Les désaccords entre les Etats-Unis et la Turquie à propos de la Syrie suscitent de vives tensions entre les deux pays.

Pour les Turcs, les miliciens YPG sont des "terroristes" liés au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), qui mène depuis 1984 une lutte sanglante contre le pouvoir central turc.

Mais les YPG sont depuis plusieurs années des alliés de poids pour Washington dans la lutte contre les djihadistes et le régime du président syrien, Bachar al Assad.

Il y a environ 2.000 soldats américains en Syrie.

PEU DE PROGRESSION SUR LE TERRAIN

Avant les propos du vice-Premier ministre turc, on soulignait de source turque autorisée que le communiqué publié mercredi par la Maison blanche rendant compte de l'entretien téléphonique entre Donald Trump et son homologue turc, Recep Tayyip Erdogan, ne reflétait pas correctement le contenu de leur conversation.

"Le président Trump n'a pas fait part de 'préoccupations devant le risque d'une escalade de la violence' en lien avec l'opération militaire en cours à Afrin (dans le nord-ouest de la Syrie-NDLR), disait-on. "La discussion des deux dirigeants concernant l'opération 'Rameau d'olivier' s'est limitée à un échange de points de vue".

Dans son communiqué, la Maison blanche a rapporté que Donald Trump avait fait part au président turc de ses "préoccupations" et "prié la Turquie de ralentir, limiter ses opérations militaires et d'éviter les pertes civiles et l'augmentation du nombre de personnes déplacées et de réfugiés".

Au sixième jour de l'opération "Rameau d'olivier", les soldats turcs, appuyés par les rebelles de l'Armée syrienne libre (ASL), semblent avoir peu progressé dans la région d'Afrin, à 100 km à l'ouest de Manbij, face aux miliciens YPG. Le mauvais temps limite le soutien aérien aux troupes au sol.

L'aviation et l'artillerie turques ont visé jeudi le nord de l'enclave d'Afrin. Un civil a été tué dans ces bombardements, a rapporté l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).

Depuis le début de l'offensive en fin de semaine dernière, les combats ont fait plusieurs dizaines de morts, dont une vingtaine de civils, selon l'OSDH.

L'armée turque a fait état de 303 morts dans les rangs des miliciens kurdes et de leurs alliés. Les Forces démocratiques syriennes (FDS), coalition dominée par les YPG, ont affirmé que ce bilan était "exagéré".

(Avec Ece Toksabay à Ankara, Ezgi Erkoyun à Istanbul, Tom Perry et Dahlia Nehme à Beyrouth, Gilles Trequesser, Guy Kerivel et Eric Faye pour le service français)