La Turquie poursuit son offensive contre les Kurdes en Syrie

par Mert Ozkan

HASSA, Turquie (Reuters) - L'artillerie et l'aviation turques ont bombardé plusieurs objectifs lundi dans la région d'Afrin, dans le nord-ouest de la Syrie, où les forces d'Ankara appuyées par des rebelles syriens mènent depuis samedi une offensive pour chasser les miliciens kurdes des Unités de protection du peuple (YPG).

Les Etats-Unis, qui ont ces dernières années apporté leur soutien aux miliciens kurdes, ont appelé les belligérants à la retenue et la France a demandé une réunion d'urgence du Conseil de sécurité des Nations unies sur la situation dans l'ensemble de la Syrie. L'Iran, allié de Damas, a réclamé l'arrêt immédiat de l'intervention turque.

Un porte-parole des YPG, Birusk Hasaka, a déclaré que des avions turcs avaient visé lundi matin deux villages et que de violents combats opposaient "les forces d'occupation turques" aux Forces démocratiques syriennes (FDS), une coalition à laquelle appartient la milice kurde.

Les FDS, qui n'ont pas exclu d'envoyer des renforts dans la région pour faire face à l'attaque turque, ont affirmé que 18 civils, dont des femmes et des enfants, avaient été tués dans l'offensive, et 23 autres blessés.

L'armée turque a de son côté annoncé déplorer un mort dans ses rangs, un soldat tué dans un accrochange dans la province turque de Kilis, frontalière de la Syrie.

"ORGANISATION TERRORISTE"

Selon l'agence de presse turque Dogan, une roquette tirée du territoire syrien par les Kurdes est tombée sur un camp de l'Armée syrienne libre (ASL) en Turquie, dans le secteur frontalier de Kirikhan (province de Hatay), faisant deux morts et 12 blessés. Les rebelles de l'ASL appuient la Turquie dans son offensive contre les Kurdes.

Ankara considère la milice YPG comme une organisation terroriste liée au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), qui combat le pouvoir central turc depuis 1984.

Le président turc Tayyip Recep Erdogan a promis d'écraser les miliciens kurdes dans la région d'Afrin. Il veut également prendre le contrôle de la ville de Manbij, plus à l'est.

Dans un discours lundi à Ankara, il a déclaré que la Turquie avait conclu un accord avec la Russie à propos de cette opération militaire.

L'opération "Rameau d'olivier", préparée dans la nuit de jeudi à vendredi par des tirs d'artillerie, a été suivie samedi par des raids de l'aviation et formellement lancée par le président Erdogan.

Le vice-Premier ministre turc, Mehmet Simsek, a déclaré lundi que l'opération devrait être terminée sous peu et a voulu adresser un message rassurant aux "investisseurs". S'exprimant lors d'une cérémonie, il a assuré que l'impact économique de l'opération en cours serait limité. "Cette opération sera brève et réduira le risque de terrorisme en Turquie dans la période à venir", a-t-il dit.

INQUIÉTUDE AMÉRICAINE

Le Premier ministre turc, Binali Yildirim, a déclaré dimanche qu'Ankara entendait créer une zone de sécurité s'avançant d'une trentaine de kilomètres en territoire syrien.

Environ 25.000 rebelles de l'Armée syrienne libre (ASL) participent à l'opération au côté de l'armée turque dans le but de reprendre la ville arabe de Tel Rifaat et des localités alentour prises par les YPG en février 2016.

Un responsable des YPG, Nouri Mahmoud, a affirmé que les miliciens kurdes avaient repoussé l'offensive et forcé l'ennemi à la retraite.

L'offensive turque fait suite à de nombreux avertissements lancés ces dernières semaines par le pouvoir turc. Ankara a été particulièrement heurté par l'annonce que les Etats-Unis allaient prendre en charge la formation d'une force de gardes-frontières de 30.000 hommes dans l'Est syrien contrôlé par les FDS.

En visite à Londres, le secrétaire d'Etat américain Rex Tillerson a dit son inquiétude et a invité toutes les parties à la retenue. Il a toutefois ajouté que les Etats-Unis reconnaissaient à la Turquie "le droit légitime de protéger ses propres citoyens des éléments terroristes".

(Avec Daren Butler à Istanbul, Orhan Coskun à Ankara, Lisa Barrington à Beyrouth et William James à Londres; Jean-Stéphane Brosse, Gilles Trequesser et Guy Kerivel pour le service français, édité par Tangi Salaün)