Erdogan veut poursuivre son offensive contre les Kurdes en Syrie

ANKARA/BEYROUTH (Reuters) - Les forces turques poursuivront leur offensive contre les miliciens kurdes des Unités de protection du peuple (YPG) le long de la frontière syro-turque et si nécessaire jusqu'en Irak, a affirmé lundi le président turc Recep Tayyip Erdogan.

Au lendemain de la prise par les Turcs de la ville d'Afrin, dans le nord-ouest de la Syrie, Erdogan a souligné qu'il voulait aussi attaquer les YPG bien plus à l'est, jusqu'à la ville de Kamichli.

"En prenant hier le contrôle du centre de la ville d'Afrin, nous avons réalisé la phase principale de l'opération 'Rameau d'olivier'", lancée il y a deux mois, a déclaré le président turc qui s'exprimait devant des magistrats à Ankara.

"Maintenant, nous allons continuer vers Manbij, Aïn al Arab, Tel Abyad, Ras al Aïn et Kamichli, jusqu'à ce que ce corridor disparaisse", a-t-il ajouté, citant des villes syriennes de la région frontalière.

Les autorités turques appellent cette zone sous contrôle kurde "le corridor de la terreur".

La Turquie n'exclut pas non plus de poursuivre ses opérations en Irak, où se trouvent des membres du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), mouvement séparatiste qui mène depuis les années 1980 une insurrection en Turquie.

Le PKK a des bases dans les montagnes de Kandil, dans la région frontalière entre l'Irak et l'Iran, et Erdogan a déclaré que les Kurdes étaient en train de s'installer également dans la région de Sindjar, plus à l'ouest.

Le Turquie a demandé au gouvernement irakien de régler cette question. "Si vous êtes incapables de repousser cette menace, nous pouvons entrer une nuit dans la région de Sindjar et la nettoyer du PKK", a lancé Erdogan à l'intention des Irakiens. "Si vous êtes nos amis, si vous êtes nos frères, alors vous nous aiderez !"

EXODE DE CIVILS

Des discussions sont en cours entre le Premier ministre turc Binali Yildirim et le gouvernement de Bagdad, a-t-il dit. "Mais si cette situation se prolonge, alors il y aura une opération 'Rameau d'olivier' là-bas aussi..."

Le gouvernement syrien a condamné l'occupation d'Afrin par les soldats turcs et exigé "le retrait immédiat des envahisseurs".

Avant le discours d'Erdogan, le porte-parole du gouvernement turc, Bekir Bozdag, avait déclaré que l'armée turque entendait rendre la région d'Afrin "à ses vrais propriétaires" après en avoir chassé les YPG.

"Nous n'allons pas rester là-bas de façon permanente et nous ne sommes certainement pas des envahisseurs. Notre but est de rendre la région à ses vrais propriétaires après l'avoir nettoyée des terroristes", a déclaré Bekir Bozdag, qui est également vice-Premier ministre.

Plus de 200.000 personnes ont fui l'offensive menée par la Turquie dans la région et se retrouvent sans abri, sans accès à l'eau et à la nourriture dans des zones voisines, a déclaré lundi une responsable kurde.

Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a réclamé un meilleur accès à la population dans ce secteur.

La Turquie a annoncé l'arrivée d'un convoi d'aide de l'organisation humanitaire AFAD lundi dans la ville d'Afrin.

Les Etats-Unis ont fait part de leur "profonde préoccupation" et demandé que les organisations humanitaires puissent se rendre sur place.

L'opération "Rameau d'olivier" est la seconde opération menée par la Turquie en Syrie depuis le début de la guerre.

La première opération, "Bouclier de l'Euphrate", visait ce qu'Ankara avait appelé un "couloir terroriste" à l'est d'Afrin.

A la fin de "Bouclier de l'Euphrate" début 2017, la Turquie a mis en place des systèmes de gouvernance locale sur les terres conquises, qui vont de la région d'Azaz, au nord-est d'Afrin, jusqu'à l'Euphrate.

(Ece Toksabay et Tuvan Gumrukcu, avec Tom Perry et Ellen Francis à Beyrouth, David Alexander à Washington; Danielle Rouquié et Guy Kerivel pour le service français)