Des pilonnages marquent le début de l'opération turque sur Afrin

par Mert Ozkan

SUGEDIGI, Turquie (Reuters) - La Turquie a lancé dans la nuit de jeudi à vendredi par des bombardements transfrontaliers une opération militaire annoncée depuis plusieurs jours dans la région syrienne d'Afrin, tenue par des miliciens kurdes.

Aucun soldat turc n'a été déployé en territoire syrien, a précisé le ministre turc de la Défense, Nurettin Canikli.

Selon la presse turque, cependant, une vingtaine de cars transportant des rebelles de l'Armée syrienne libre (ASL), soutenue notamment par Ankara, ont franchi vendredi la frontière à la lisière orientale de la région d'Afrin pour gagner une zone du nord de la Syrie contrôlée par la Turquie.

"L'opération a débuté de facto par des bombardements transfrontaliers, même s'il n'y a pas de franchissement de frontière", a déclaré le ministre turc de la Défense. "Quand je dis 'de facto', je ne veux pas être mal compris. Cela a débuté sans franchissement de frontière", a-t-il insisté.

Un caméraman de Reuters a filmé vendredi matin dans le village frontalier de Sugedigi des batteries d'artillerie turques tirant en direction du territoire syrien.

Un porte-parole des milices kurdes YPG (Unités de protection du peuple) a confirmé que les forces turques avaient commencé à pilonner la région d'Afrin à partir de minuit, ciblant des localités kurdes. Environ 70 tirs ont été enregistrés.

"Pour le moment, il n'y a pas de victimes, rien que des dégâts matériels", a dit le porte-parole kurde, Rojhat Roj.

"CHASSER LES ÉLÉMENTS TERRORISTES"

Le gouvernement syrien a mis en garde jeudi Ankara contre la tentation de lancer une opération militaire dans ce secteur, l'un des trois passés sous le contrôle des forces kurdes et de leurs alliés dans le nord de la Syrie.

Le ministre turc de la Défense a déclaré que la Turquie n'avait pas d'autre choix que de chasser les "éléments terroristes" du nord de la Syrie. "Tous les réseaux et éléments terroristes du nord de la Syrie seront éliminés. Il n'y a pas d'autre option", a-t-il dit.

Ankara considère la milice YPG comme une émanation du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), qui mène une insurrection contre le pouvoir central turc depuis 1984.

L'opération turque pourrait ouvrir un nouveau front dans le conflit syrien, en mettant aux prises soldats turcs et miliciens kurdes, alliés aux Etats-Unis.

"Nous ne pensons pas qu'une opération militaire serve la cause de la stabilité régionale, la stabilité de la Syrie ou même les inquiétudes turques relatives à la sécurité de leur frontière", a commenté un haut responsable du département américain d'Etat.

Washington avait appelé ces derniers jours la Turquie à se concentrer sur la lutte contre les djihadistes de l'Etat islamique (EI) et à ne pas s'en prendre à la région d'Afrin. Mais pour Nurettin Canikli, "la menace de Daech n'existe plus, ni en Syrie ni en Irak".

Selon les médias turcs, les rebelles de l'ASL qui sont entrés vendredi matin en Syrie vont se déployer près de la ville d'Azaz, où d'après Ankara les miliciens kurdes ont bombardé la nuit dernière un hôpital psychiatrique, faisant plusieurs blessés qui ont été transférés en Turquie pour être soignés.

(avec Tuvan Gumrukcu et Ece Toksabay à Ankara, Tom Perry et Lisa Barrington à Beyrouth et Arshad Mohammed à Washington; Jean-Stéphane Brosse et Guy Kerivel pour le service français, édité par Henri-Pierre André)