La russophilie de François Fillon à l'origine d'une polémique

François Fillon, déjà au centre d'une polémique sur le Front national, provoque de nouveaux remous politiques en France pour avoir critiqué la stratégie de François Hollande sur la Syrie et salué "le rôle positif" de la Russie dans le conflit. /Photo prise le 13 septembre 2013/REUTERS/Eric Gaillard

PARIS (Reuters) - François Fillon, déjà au centre d'une polémique sur le Front national, provoque de nouveaux remous politiques en France pour avoir critiqué la stratégie de François Hollande sur la Syrie et salué "le rôle positif" de la Russie dans le conflit. L'ancien Premier ministre, partisan de longue date d'un rapprochement entre l'Union européenne et la Russie, a persisté dans ses propos vendredi, soulignant sur son blog que la réaction "dérisoire" des socialistes ne le ferait pas "taire". François Fillon a dénoncé jeudi à mots voilés l'alignement du président français sur Barack Obama lors d'une réunion en Russie du club international de discussion Valdaï, en présence de Vladimir Poutine. Lors de ce forum, le président russe a déclaré que "tout portait à croire" que l'attaque chimique du 21 août à Damas était "une provocation" imputable à la rébellion syrienne. S'exprimant à son tour à ce sujet, François Fillon a vanté le "rôle positif" de la Russie dans l'accord de Genève Lavrov-Kerry qui "a permis d'éloigner" la perspective d'une frappe militaire contre le régime de Bachar al Assad. "La Russie doit peser de tout son poids sur le régime syrien qui doit comprendre qu'aucune victoire durable n'est possible tant que le sang coulera", a-t-il dit. "Nous avons, vous et nous, Russes et Européens, une influence déterminante sur les deux camps qui s'opposent. Je souhaite à cet égard que la France retrouve cette indépendance et cette liberté de jugement et d'action qui, seules, lui confèrent une autorité dans cette crise", a-t-il ajouté. La phrase, assortie d'un "Mon cher Vladimir", a été mise en évidence sur le compte Twitter de François Fillon, qui défendait lors de son mandat à Matignon l'usage voulant qu'un responsable politique français ne critique pas son pays à l'étranger. "Mes propos sont mesurés, bien en deçà des réserves et critiques que j'exprime depuis plusieurs semaines à l'égard de la stratégie du président de la République dans l'affaire syrienne", écrit-il vendredi sur son blog. "J'AI TOUCHÉ JUSTE" L'entourage du député UMP de Paris, candidat déclaré à la primaire présidentielle de 2016 à droite, met en avant la "liberté de parole" de François Fillon, qui s'est affranchi de la tutelle de Nicolas Sarkozy avant de remettre en cause récemment la doctrine électorale du "ni ni" ("ni PS, ni FN") revendiquée par l'UMP face à l'extrême droite. Dans la perspective des élections municipales de 2014, l'élu a appelé à voter pour "le moins sectaire" des candidats en cas de duels entre le Parti socialiste et le Front national. Déterminé à barrer la route à Nicolas Sarkozy et à arracher l'investiture à droite pour la présidentielle de 2017, François Fillon s'emploie à casser l'image de "Hollande de droite" que voulait lui accoler l'entourage de Jean-François Copé, son ex-rival pour la présidence de l'UMP, au risque d'altérer le profil de "rassembleur" que plébiscitent les sympathisants UMP. La droite était coite vendredi après cette nouvelle marque d'indépendance. La majorité socialiste, elle, s'est élevée contre des paroles "choquantes". "Fillon marginalisé dans sa formation politique a été touché par le syndrome 'Depardieu', demander l'asile à Poutine pour faire parler de lui. Et s'il était un jour président, n'en déplaise à Dieu, Poutine lui rappellerait cette génuflexion devant la diplomatie russe", écrit le député PS Jean-Christophe Cambadélis dans un communiqué. Le président du groupe PS au Sénat, François Rebsamen, juge François Fillon "affligeant". "Marine Le Pen et Vladimir Poutine, voilà donc les nouveaux amis que François Fillon s'est choisi pour l'aider à mettre la main sur l'UMP", dit-il dans un communiqué. Le député socialiste Jean-Marie Le Guen a dénoncé jeudi sur France Info "la semaine de toutes les dérapages" pour l'ancien Premier ministre, qui renforce selon lui "le camp de ceux qui ne veulent pas la paix". "Cette réaction prouve que j'ai touché juste", commente François Fillon. "N'en déplaise à ceux qui pensent que servir la France c'est platement taire les erreurs de son gouvernement, je persiste et je signe". "Il se dit que François Hollande n'a pas apprécié les propos tenus en Russie. Je lui rétorque que je n'ai pas apprécié ses choix dans cette crise", déclare-t-il. Sophie Louet, édité par Yves Clarisse